Pour commencer cet article, je ne résiste pas à rappeler ce qu’a écrit Denis Langlois à propos de la commémoration des 50 ans de Mai 1968, par les dirigeants politiques actuels, les frères jumeaux de tous ceux qui ont exercé le pouvoir depuis cette date : « Vous voulez nous commémorer, c’est-à-dire nous enterrer. Mais vous perdez votre temps. Nous sommes toujours vivants. La révolte de mai refleurira. Comment pouvez-vous imaginer que les gens se satisferont longtemps de cette existence étriquée, de cette vie au rabais où il convient de travailler, de consommer et de se divertir selon vos règles, selon vos ordres et surtout vos profits ? La vraie vie, c’est autre chose. »
De révolte en révolte, il faudra bien qu’un jour, elle finisse par aboutir
L’histoire du mouvement ouvrier (des travailleurs(es) et du peuple) est jalonnée de révoltes, d’insurrections violentes et meurtrières, car les tenants du pouvoir, et, ce, depuis la nuit des temps, se battent pour conserver leurs privilèges et leur autorité. C’est la lutte des classes. Certes, ce sont toujours les possédants qui l’emportent mais ce n’est pas inéluctable. Il faudra bien que le rapport des forces change de camp. D’autant que dans le camp du peuple, il y a le nombre, la qualité… mais à chaque fois, il se fait voler le fruit de ses luttes par des opportunistes de droite comme de gauche…
Souvenirs…
Il y en a eu des luttes, et à chaque fois, elles ont contribué à des avancées sociales importantes au prix du sang… Il faut donc que cela cesse. C’est pourquoi, je vais me permettre de rappeler ici quelques moments révolutionnaires menés par le peuple d’en bas et certainement, je vais en oublier quelques uns. Des révolutions qui, contrairement à ce que l’histoire officielle laisse apparaître, n’étaient surtout pas des mouvement spontanés. Elles avaient toutes des points communs : la misère, la faim, le chômage, la vie chère, une imposition toujours plus importante, la répression, le mépris des dirigeants, les guerres… que les peuples subissaient depuis de nombreuses années auparavant. En voici quelques unes…
- La révolte des Bonnets rouges et du papier timbré, en 1675-1676, contre la hausse des taxes et du papier timbré, requis pour les actes authentiques.
- La Révolution française, en 1789, contre la hausse faramineuse du prix du pain, 98 % de la population étaient dans un état de pauvreté extrême, 1787-1789 et les guerres.
- Les Trois Glorieuses, les 27, 28 et 29 juillet 1830 contre le prix exorbitant des denrées alimentaires ainsi que celui du pain, la pauvreté qui s’étend sur tout le pays, la suspension de la liberté de la presse, le départ d’un corps expéditionnaire pour la conquête de l’Algérie le 16 mai 1830. Déjà, le 25 juillet 1830 est marqué par des manifestations sur les grands boulevards et même une émeute.
- L’insurrection du 22 février 1848 est due à l’écrasement des salaires, à l’interdiction des réunions publiques (les banquets, repas politiques) et à la guerre en Algérie qui n’était pas du goût du peuple. Ce qui déclencha l’insurrection, c’est l’interdiction par Guizot du banquet du 22 février 1848.
- La Commune de Paris, qui durera trois mois du 18 mars, jusqu’à la semaine sanglante (21-28 mai 1871). Les parisiens sont méfiants envers l’Assemblée nouvellement élue en février 1871, car les deux tiers des députés sont des monarchistes et des bonapartistes. L’Assemblée se méfie également du Paris populaire et décide le 10 mars, de siéger à Versailles, ville sous le contrôle des Allemands et symbole de la monarchie absolue. Dès le 10 mars, la nouvelle Assemblée décide la suppression du moratoire des effets de commerce, des loyers et des dettes. Ils deviennent exigibles immédiatement. Ce qui signifie que de nombreux ouvriers, artisans et commerçants allaient être privés de tout moyen d’existence (au moins 150 000 personnes étaient menacées de faillites ou de poursuites judiciaires). De plus, elle supprime la solde quotidienne de 1,50 francs des soldats de la Garde nationale, privant ainsi une partie des classes les plus pauvres de Paris, d’une source de revenu. Comme le gouvernement craint le peuple de Paris, il décide de le désarmer. Il s’agit de soustraire aux Parisiens 227 canons entreposés à Belleville ainsi qu’à Montmartre. Or, les Parisiens considèrent ces canons comme leur propriété, puisqu’ils les ont eux-mêmes payés lors de la guerre contre la Prusse, par le biais d’une souscription. Tous ces éléments ainsi que la pauvreté et la faim dues à la guerre seront le déclenchement de la Commune de Paris. La Commune se dotera d’un fonctionnement autogestionnaire pour gérer la ville de Paris.
- Dans plusieurs villes de France (Marseille, Lyon, Saint-Étienne, Narbonne, Toulouse, Le Creusot, Limoges…) des Communes furent proclamées à partir du 23 mars 1871, mais elles ont été rapidement réprimées.
- La victoire du Front populaire en mai 1936, une alliance du Parti communiste, de la SFIO (Section française de l’internationale ouvrière) et des Radicaux-socialistes va permettre à Léon Blum de prendre la tête du gouvernement, dès le 4 juin 1936. Il devra immédiatement faire face à un mouvement de grève car, la méfiance populaire vis-à-vis de la classe politique née des frustrations et les trahisons qui suivirent les victoires de la gauche en 1924 et 1932 étaient très présentes dans les têtes. Les grèves mobilisèrent près de trois millions d’ouvriers. Elles se traduisirent par des occupations des lieux de travail. Il s’agissait pour les travailleurs d’immobiliser les machines et à empêcher le patronat d’employer un personnel de remplacement. Ces grèves étaient également exemplaires car, elles étaient pacifistes Il y avait une grande volonté de faire qu’elles se déroulent sans incident, sans violence et sans destruction de matériel. C’est dans ce contexte que des négociations furent menées par les syndicats et le gouvernement, le 7 et 8 juin 1936. Elles se soldèrent par les « accords de Matignon » : des augmentations de salaire entre 7 et 15 % ; l’instauration du droit syndical ; la création du statut de délégué du personnel ; la généralisation des conventions collectives. Devant la poursuite de la grève, Léon Jouhaux, le patron de la CGT réunifiée, de concert avec Maurice Thorez, le secrétaire général du Parti communiste tentèrent de peser de toute leur autorité pour ramener « l’ordre ». Maurice Thorez décréta que les objectifs de ce mouvement étaient « purement économique […] et que toute autre interprétation ne pouvait être que le fait de provocateurs ou d’irresponsables ». Il ira même jusqu’à déclarer : « Il faut savoir terminer une grève dès que satisfaction a été obtenue ! ». Or, devant la poursuite de la grève, malgré les appels à la reprise du travail de ces deux grands défenseurs des travailleurs, les premiers accords furent complétés par la loi sur les 40 heures et les congés payés de 15 jours. 1936, prouve que Denis Langlois a raison quand il affirme que la fin est toujours dans les moyens : « Pas de leaders, de dirigeants, de chefs grands ou petits, d’appareils soucieux d’assurer leur pouvoir. Débarrassons-nous de la théorie marxiste et élitiste des avant-gardes guidant le peuple ! Un mouvement révolutionnaire doit être l’affaire de tous et non la propriété d’un petit noyau de professionnels. On ne peut faire le bonheur des gens sans eux ou malgré eux. »
- Mai 1968… Le malaise étudiant s’installe depuis plusieurs années et la réforme des universités va être le déclenchement de la révolte des étudiants(tes). Elle va réveiller le monde du travail qui était pressuré et assoupi. En seulement 43 jours, ce sont plus de 1100 manifestations qui verront le jour sur tout le territoire et le pays totalement paralysé comptera près de 10 millions de grévistes avec occupations des entreprise. La grève a été spontanée, sans le soutien des boutiques syndicales, les partis politiques ont été à la ramasse et ont ramé pour tenter de récupérer le mouvement en le discréditant, comme a pu le faire le Parti communiste. Le pouvoir en place y a répondu par une violence inouïe. Mai 68, était anti-autoritaire, l’insurrection remettait en cause le système capitaliste les mots d’ordre étaient clairs : supprimer la bureaucratie et les systèmes hiérarchiques, l’exploitation, la société de consommation pourtant à ses débuts et du spectacle. Il dénonçait la violence de l’État… Mai 68 a permis cependant quelques avancées sociales comme : l’augmentation du SMIG (Salaire minimum interprofessionnel garanti) de 35 % et une augmentation des salaires dans certains cas de plus de 10 %.
Les Gilets jaunes
Aujourd’hui, le mouvement des Gilets jaunes semble vouloir remettre en cause le système. Il s’appuie sur des travailleurs(es) et un peuple pressurés plus plus plus qui ne vivent pas et tentent de survivre. Et le pouvoir en place les humilie, les fustige, les insulte, les rend responsables de la crise… Ce peuple de sans-dents, cette racaille, ces fainéants, ils voudraient vivre comme des nababs alors qu’ils ne travaillent pas…
Il serait bon que les Gilets jaunes et l’immense majorité du peuple qui se reconnaît dans leurs multiples revendications ne se laissent pas influencer par les donneurs de leçons, les journalistes, les experts, les moi-je-sais en tout genre, les syndicalistes, les politicards qui gravitent autour d’eux pour détourner le mouvement de ses objectifs, et le faire rentrer dans l’ordre républicain. Car, à les écouter et les entendre, il n’y a point de salut en dehors du capitalisme. Or, cette révolte est la démonstration qu’il est possible de faire autrement, il suffit comme le font actuellement les Gilets jaunes de prendre son destin en main.
Je vais arrêter cet article, toujours par une autre citation de Denis Langlois, qui prend tout son sens en ce XXIe siècle où la démocratie est bafouée par un système électoral inique, et qui appelle à l’abstention révolutionnaire : « Pas question de participer aux élections, de soutenir des candidats contestataires, de voter pour le moins mauvais. La droite, l’extrême droite et ceux qui se prétendent de gauche sont des frères siamois ayant en commun la défense des hiérarchies sociales et le soutien aux puissances économiques et financières. »
Justhom (groupe de Rouen)