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Assises nationales des droits des femmes

Commission pauvreté-précarité-immigration

Le jeudi 10 avril 1997.

La commission pauvreté-précarité-immigration a du faire face au maque de temps et à l’envie que les femmes présentes (très nombreuses) avaient de témoigner de leurs histoires personnelles, trouvant là, à juste titre, un lieu privilégié pour exprimer leur colère face à des situations souvent dramatiques et totalement asservissantes.

Six thèmes avaient été retenus dans le cadre de la préparation des Assises. Chaque thème fut l’objet d’un exposé, puis d’un débat avec la salle en vue de l’élaboration d’une plate-forme de revendications.

52 % des chômeurs sont des chômeuses !

Étant sous-payées lorsqu’elles ont salariées, les femmes sont donc indemnisées à des taux plus faibles quand elles sont au chômage. Elles sont aussi " victimes privilégiées " des emplois précaires, des temps partiels imposés. En effet, une très petite minorité de femmes choisissent librement les emplois à temps partiel, la majorité les acceptent faute de mieux… Le manque de formation et de qualification de certaines d’entre elles les maintiennent au chômage et les obligent à occuper des postes à faible rémunération : à l’heure actuelle, une jeune fille sur trois, non scolarisée, est au chômage ! Il est à noter que dans beaucoup de familles en difficulté, le choix de la scolarité au-delà de seize ans, se fait encore en faveur des jeunes garçons, et même si les jeunes filles ont un bon niveau scolaire… D’autre part, dans beaucoup trop de collèges, les chefs d’établissement poussent les jeunes filles à opter pour les filières dites féminines, alors qu’ils savent parfaitement que ces filières débouchent sur l’ANPE.

82 % des chômeurs percevant à peine l’équivalent du SMIC, l’accès au logement devient de plus en plus difficile, vu l’augmentation des loyers et le manque de logements sociaux. Les femmes qui élèvent seules leurs enfants sont les plus touchées par cette situation qui engendre des conditions de vie intolérables : logements insalubres qui entraînent la recrudescence de la maladies telles que le saturnisme et la tuberculose, exiguïté des logements qui non seulement aggrave les difficultés scolaires (manque de place pour faire ses devoirs) mais perturbe l’équilibre psychologique et affectif de tous les membres de la famille (absence d’intimité).

Il est bien évident que pour douze millions de personnes vivant avec des revenus proches du seuil de pauvreté, le surendettement devient une spirale infernale. Comment faire face au loyer, aux charges, aux frais de scolarité (cantine, équipements sportifs, fournitures…) à l’habillement, à la nourriture, aux transports, aux frais médicaux ? Là encore, les femmes " chef de famille " sont touchées plus que les autres et sont contraintes de choisir d’économiser sur leurs propres besoins vitaux, en se mettant en danger.

Pour toutes ces raisons, la santé reste pour les femmes la dernière dépense envisagée. Les pathologies résultant de la pauvreté sont nombreuses et, à long terme, extrêmement dangereuses, voire irréversibles, pour les femmes absence de dépistages des cancers du sein et de l’appareil génital, absence de traitement des maladies de la circulation sanguine, absence de prévention des affections liées à la ménopause, etc. Sans publier toutes les affections dues au stress : ulcères, spasmophilie, migraines, dépression…

Les soins relatifs à la vue et à la dentition sont relégués à plus tard, compte tenu des tarifs prohibitifs pratiqués et de la quasi inexistence du remboursement de ces frais par la sécu.

Il en va, bien entendu, de même pour toutes les dépenses liées à la contraception (pilules non remboursées, suivi médical…).

Les contraintes économiques imposées par le FMI et la banque mondiale aux pays du Sud continuent à les appauvrir. La dette augmente d’années ne années, ce qui oblige ces pays à des coupes claires dans leurs budgets, entre autre à ne plus prendre en compte les besoins des femmes. Au niveau européen, les mêmes politiques sont imposées par les critères de Maastricht. En France, la situation est tellement grave que le gouvernement a jugé bon de faire un projet de loi sur " la cohésion sociale ", soi-disant pour lutter contre la " fracture sociale ", qui ne fait en réalité que rappeler à chacune qu’elle dispose virtuellement de droits inscrits dans la Constitution.

Les politiques gouvernementales de ces dernières années infligent la précarité aux migrants et particulièrement aux femmes, en les maintenant dans une situation de non droit.

Les femmes restent toujours dépendantes de leur époux pour leur venue et le renouvellement des cartes de séjour, de même qu’elles sont obligées de les suivre s’ils souhaitent rentrer au pays.

Elles sont également particulièrement victimes des emplois précaires, car la plupart d’entre elles viennent d’un milieu rural et se retrouvent en milieu urbain où leur savoir-faire ne peuvent être source de revenus. Elles sont de ce fait contraintes, soit à rester au foyer, soit à accepter des emplois sous-payés. Leurs charges de travail (à l’extérieur en plus des taches ménagères) leur laissent peu de temps pour l’apprentissage du français, et elles deviennent — par leurs difficultés à se défendre et à négocier — les cibles des licenciements abusifs.

Ce thème a provoqué une vive colère de la part d’un groupe de jeunes femmes maghrébines de la région parisienne, accusant la commission de faire l’amalgame immigration-précarité. S’agit-il de faire un amalgame ou un constat ? La réflexion doit continuer. Cette polémique a malheureusement occulté une partie du débat et notamment la question épineuse de la polygamie ou celle des intégrismes religieux qui maintiennent les femmes dans la dépendance économique et culturelle !

Il est regrettable que la commission ait oublié deux thèmes lors de son travail de préparation : la situation spécifique des femmes âgées (indécence du minimum vieillesse, solitude, logement…) ; l’accès de toutes et tous à la culture (tant au niveau de la création que de la diffusion) qui aurait mérité une présentation approfondie et une mise en débat.

Cela étant, mon intervention réclamant l’accès à la culture pour les plus démuni(e)s, et dénonçant le projet du gouvernement de privilégier de plus en plus une culture d’État au détriment de l’appropriation par chacun(e) des moyens de production et de diffusion culturelles (par le sabordage notamment du statut ASSEDIC des intermittents du spectacle), a permis d’intégrer cette revendication dans la plate-forme finale de cette commission.

Sylvie Maugis