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La Commission droit au travail

Le jeudi 10 avril 1997.

L’atelier « Droit au travail », le dimanche 15 mars, a rassemblé environ 500 personnes ; des présentations d’aspect particulier du travail des femmes ont alterné avec des témoignages et des débats.

Au XIXe siècle, les femmes étaient domestiques ; en cette fin de XXe siècle, elles occupent les emplois de proximité ou emplois familiaux.

C’est la quintessence du travail féminin : le travail des femmes s’effectue au foyer, le sien ou celui des autres, à temps très partiel et à horaires très flexibles, au service de la personne et dans l’espace du privé. C’est l’envers du modèle masculin du travail. C’est aussi la rançon du développement du travail féminin qualifié. En 1980, il y avait 460 000 employeurs familiaux, en 1994 ils sont 700 000.

L’écart de salaires entre femmes et hommes est de 16 à 39 %, malgré une surqualification des femmes. La loi Roudy impose aux employeurs de fournir un bilan social sexué chaque année. On peut aussi constater les différences. Par exemple à Carrefour, la différence moyenne entre employée et employé est de 206 FF, pour les cadres elle s’élève à 3600 FF par mois !

Dans le secteur public, les discriminations sont plus indirectes. Ainsi les filières administratives, plus féminisées, sont traitées différemment des filières techniques, plus masculines : dans les premières, pour changer de catégorie, il faut justifier de 26 ans d’ancienneté et passer un concours ; dans les secondes, 8 ans seulement et pas de concours…

Le travail à temps partiel est un axe central de l’offensive patronale et étatique contre le travail des femmes et pour l’extension de la flexibilité. Il est utilisé pour combattre la revendication de réduction du temps de travail sans perte de salaire. Il sert également à renforcer la division sexuée de la société en défavorisant un réel partage des tâches éducatives et ménagères. En 1980, 1 600 000 actifs à temps partiel ; en 1989, 2 500 000 dont 2 100 000 femmes. Temps partiel plus souvent subi (85 %) que choisi.

Le constat est très pessimiste ; il est nécessaire de se réapproprier les acquis collectifs des luttes des femmes : de la grève des ovalistes en 1869 qui portait les mêmes analyses et revendications qu’aujourd’hui sur les espaces public-privé à celle des infirmières de 1988 qui a mis en place un pouvoir collectif, ou à celles des ouvrières de Maryflo qui ont mené près d’un mois de grève pour leur dignité. Toutes ces luttes visent à penser une société sans oppression. Pour se battre sur l’emploi, les salaires, les conditions de travail, il convient de reprendre la dynamique de commissions spécifiques aux travailleuses dans les entreprises et de reconstruire des réseaux interprofessionnels.

La conclusion pourrait revenir à une copine de la Gironde qui nous a dit : « même si on est privées d’emplois, on est pas privées de luttes ! » À nous de trouver de nouvelles formes d’action, comme occuper une usine avec ses salariés, pour casser les a priori et éviter les divisions entre ceux-celles qui ont un emploi et ceux-celles qui n’en ont pas.

E. Claude