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Rhône-Alpes

Une Colo libertaire

Le jeudi 17 septembre 1998.

Une des colos libertaires de la région Rhône-Alpes s’est installée cette année, fin juillet, au Bez, près du col de la Croix de Bauzon, à 60 km d’Aubenas. Dix adultes et quatorze enfants de deux à douze ans, se sont rassemblés le temps d’une semaine pour vivre ensemble selon des modalités différentes de celles que nous impose quotidiennement la société autoritaire. Il s’agit donc bien d’un projet politique – même si tous les adultes présents ne sont pas des militants anarchistes – mais aussi un projet pédagogique : comment apprendre la vie en collectivité, sans que les parents restent pour l’enfant les seuls référents, dans le respect des autres, et la pratique de la démocratie directe ? Tout cela, parole de scout, sans noyer personne ?

Les AG, c’est fatiguant !

Alors, bien sûr, depuis le temps que la colo existe, des recettes – remises en question en permanence – ont été élaborées pour permettre à cette démocratie directe de s’appliquer à l’échelle de notre petite collectivité. Ainsi, tous les soirs, une Assemblée générale, réunissant adultes et enfants, permet à chacun de faire le point sur la journée écoulée, de manifester des souhaits pour les jours qui viennent. Se fait alors l’apprentissage de la prise de parole « devant tout le monde », de l’argumentation qu’il faut utiliser pour faire passer une idée, mais aussi de l’écoute de l’autre. Évidemment, à quatre ans on ne s’exprimera pas aussi facilement en public qu’à dix ans ou plus. Pour vaincre ces timidités, un système de « pré-Assemblée générale » a été mis en place : des réunions en petits comités (quatre enfants et un adulte) permettent à chacun de parler plus facilement. Le groupe de pré-AG désigne ensuite un délégué chargé de le représenter au moment de l’Assemblée générale. Une façon concrète d’apprendre le mandatement et le contrôle du mandaté ! De cette façon chaque enfant a pu au moins une fois prendre la parole, avec ses propres mots, au cours d’une AG. Sur leurs propositions, la colo a fait de l’escalade, du poney, des ballades en forêt avec pique-nique, des scoubidous et de l’origami, une boum endiablée, un spectacle…

C’est également par le biais de l’AG que les enfants ont demandé, de façon assez unanime, à ce que la colo, à l’avenir, dure quinze jours plutôt qu’une seule semaine. Face à cette demande, les adultes ne savaient pas trop sur quel pied danser !

D’un coté, il est vrai que si les gamins en redemandent, c’est bon signe, cela veut dire qu’on ne se plante pas. Prolonger à quinze jours la colo aurait par ailleurs certainement des effets positifs. La vie en collectivité telle que nous la pratiquons à ce moment-là ne va pas de soi : ce n’est pas un fonctionnement naturel. Chacun arrive avec ses problèmes personnels, ses préoccupations, mais aussi avec son mode de vie et ses habitudes. Il y a de très jeunes enfants, à peine sortis du jupon libertaire de leur mère et des pré-ados, avec les difficultés propres à chaque classe d’âge (et il n’y avait pas d’adolescents cette année !).

Mais après on est content

Une semaine c’est court. On a le temps de voir les problèmes mais par toujours de les régler. La chose est frustrante. Dans ce sens, un prolongement à deux semaines serait certainement une expérience à tenter.

D’un autre côté, les adultes ne voient pas sans crainte le rallongement de la colo. Laissons de côte les problèmes de logistique, finances, temps de vacances à réserver, etc., mais la colo libertaire est un moment extrêmement épuisant. C’est un phénomène d’ailleurs difficilement explicable. Le rythme est soutenu, certes : de 7 heures du matin (pour ceux qui sont de petit déjeuner) jusqu’à minuit passé (à la fin de la réunion-bilan entre adultes), on n’arrête guère. Pourtant les causes de fatigue sont probablement ailleurs, dans la façon dont l’individu doit s’accommoder du collectif. En effet, si ce genre d’expériences est un moment d’une grande richesse dans les échanges humains, de convivialité pour les adultes, c’est aussi un moment où il faut « réinventer » un rapport entre l’individu et la vie en collectivité, rapport qu’il n’est pas forcément facile de rendre équilibré.

Non, l’éducation libertaire telle que nous voulons la pratiquer, à notre petite échelle, n’est pas une chose si facile ! Nous tâtonnons, nous nous trompons, mais au bout du compte, quelles satisfactions… Satisfaction de voir les plus petits s’autonomiser, pris en charge par la collectivité. Satisfaction de voir des enfants enfermés sur eux-mêmes ou mal dans leur peau s’épanouir et s’affirmer. Satisfaction de voir des enfants heureux, tout simplement.

Le collectif de parents