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Le 13 mai… et après ?

Le mardi 13 mai 2003.

Le succès (espéré) de cette journée de mobilisation n’aura de sens que s’il y a poursuite du mouvement.

Les attaques contre les fonctionnaires n’ont jamais été aussi brutales que ces dernières semaines. Les raisons sont connues : choix politiques et budgétaires se télescopant avec les critères de Maastricht et se conjuguant avec les appétits capitalistes pour accaparer et « marchandiser » ce qui leur a encore échappé. Par delà les atteintes à leurs retraites — la partie la plus visible de l’iceberg — c’est toute la Fonction publique qui est dans la ligne de mire gouvernementale. Et encore derrière, l’ensemble des salarié(e)s. Le Medef et ses valets de l’UMP n’ont qu’un seul objectif au point de vue social : le retour au xixe siècle. Pour cela, il leur faut casser les derniers verrous que sont les statuts des fonctionnaires, car ce sont des contre-exemples empêchant le patronat de liquider ce qui reste du Code du travail, et, par le biais de la pseudo-décentralisation, disperser petit à petit les grands corps de fonctionnaires d’État, afin de détruire les derniers bastions syndicaux susceptibles de résister. Il n’y aura plus qu’à privatiser ce qui restera des services publics, et l’État se recentrera sur sa fonction régalienne. Ce n’est pas de la politique-fiction, le dernier rapport du Conseil d’État, allant dans ce sens, confirme que ça cogite sérieux dans les hautes sphères. Autant dire que ce sera dérégulations — on sait ce que ça signifie pour l’État quand il dit qu’il y a trop de textes, il faut comprendre trop de textes protégeant les salarié(e)s — laissez-faire pour les patrons et les matraques contre les salariés. Quant aux droits et acquis sociaux, ils rétréciront comme peau de chagrin : les retraites par répartition et les pensions des fonctionnaires (ou ce qu’il en restera) réduites à la portion congrue par les fonds de pensions — ce qui s’est passé ailleurs nous montre que ces deux systèmes ne peuvent cohabiter — et même punition pour la Sécu, mise à mal (à mort ? !) par les assurances privées. C’est d’ailleurs cette dernière le prochain chantier de démolition du gouvernement. Rendez-vous en septembre. C’est dire l’importance et la hauteur des enjeux. En attendant, c’est commencé dans l’Éducation nationale, avec les transferts de corps entiers de non-enseignants vers les collectivités territoriales (régions et départements) : personnels de service, infirmières scolaires, conseillers d’orientation, assistantes sociales etc.

La riposte

Elle devrait être à la mesure des attaques. Force est de constater que ce n’est pas encore le cas. Il y a bien eu le succès de la manifestation unitaire du premier février (un samedi) de défense (fourre-tout) des retraites, suivie de la journée d’action du jeudi 3 avril — un peu moins unitaire mais qui avait au moins le mérite d’être une journée de grève — et qui, il faut le noter, avait mis beaucoup plus de monde dans la rue que le 1er février — mais on sait que ce genre de journée, même avec forte mobilisation, ne suffira pas à faire plier la clique à Raffarin et à rétablir un bon rapport de force en faveur des salarié(e)s.

Le premier mai 2003, si on fait abstraction du crû 2002 citoyen et républicain, a lui aussi été une réussite, avec partout des cortèges bien plus fournis (et de beaucoup) que les précédentes années nous avaient habitués. Voilà des indices sérieux d’une volonté d’en découdre et qui démontrent, s’il en était encore besoin la nécessité d’aller plus en avant et de taper plus fort.

Dans l’Éducation nationale, il y a eu (et ça continue) un bon début de réponse (voir ML nº 1317) dans de très nombreux secteurs et académies de la métropole mais aussi de la Réunion, contre les mesures de démolition des Ferry-Darcos and Co. Après le retour des vacances de printemps des différentes zones, les luttes et les grèves reconductibles ont repris contre les restrictions budgétaires, les licenciements, la décentralisation, pour défendre les retraites etc. La journée du mardi 6 mai — spécifique à l’Éducation — étant le « lancement national » d’une grève reconductible, qui, on s’en doute, se poursuivra au moins jusqu’au mardi 13 mai. D’où l’importance, dans un premier temps, de cette journée d’action de toute la Fonction publique, à laquelle se joignent la SNCF et L’EDF, des entreprises publiques et éventuellement des secteurs du privé.

Inscrire la grève dans la durée

Les « consultations » du gouvernement ayant abouti à ce que l’on sait — vouloir faire travailler tout le monde encore plus longtemps pour des retraites encore plus maigres — même la CFDT va se sentir obligée d’y participer, n’ayant même pas obtenu une petite sucette en guise de merci pour sa bonne coopération. Mais une seule journée, aussi réussie et unitaire soit-elle, ce n’est pas suffisant, on ne le sait que trop. Et vouloir l’unité, c’est bien, mais encore faut-il que ce soit sur des bases claires et correctes, et entre une CFDT soutenant une « réforme des retraites » mettant tout le monde à 40 ans de cotisations et FO et Sud réclamant le maintien et le retour à 37 annuités et demi pour toutes et tous (public et privé), il y a comme qui dirait un fossé… Et on est en droit de se demander ce que recherche la CGT, une unité à tout prix — y compris quitte à se renier — avec la CFDT où la convergence avec les confédérations (FSU, Unsa…) qui réclament au minimum le maintien à 37 ans et demi pour les fonctionnaires.

Il va bien falloir choisir, parce qu’il est évident qu’il y a urgence, et qu’une autre journée de mobilisation comme celle prévue — le 25 mai, une montée un dimanche à Paris — n’offre pas de perspectives enthousiastes, sachant que le gouvernement veut finaliser « ses propositions » pour le conseil des ministres du 28 mai. Il n’y a plus à tergiverser, d’autant que le mécontentement est grandissant et que la température monte ! Il faut se servir de cette journée du 13 mai comme d’un tremplin !

Cette grève doit être un point de départ d’un vaste mouvement et non une fin en soi ! Partout, dans tous les secteurs de la Fonction publique, il faut des assemblées générales pour décider la continuation de l’action. Un seul moyen pour gagner la bataille : la grève reconductible ! Comme en hiver 95 ! Il n’y a pas d’autres solutions et c’est maintenant ou jamais !

Sinon, ce qui est commencé dans l’Éducation nationale risquera bien de s’essouffler très vite, un seul secteur ne pouvant gagner à lui tout seul. C’est de la responsabilité des organisations syndicales que d’impulser au plus vite ces AG, et c’est aussi leur rôle que d’étendre ce mouvement vers la grève générale — public et privé réunis — pour enfin porter un coup d’arrêt à toutes les régressions sociales programmées, pour qu’enfin le mouvement social quitte la défensive et reparte à l’offensive ! Toutes les conditions objectives — comme diraient les marxiens — sont réunies : le ras-le-bol général sur la question des conditions de travail, des salaires, des retraites, du chômage et de la précarité, le ras le bol des sacrifices sans cesse redemandés au populo pour des lendemains qui déchantent toujours !

Le « Tous ensemble » doit cesser de n’être qu’une incantation et devenir réalité, et si la mayonnaise prend bien le 13 mai et après — et beaucoup feront tout ce qu’il leur est possible pour que ça prenne — ce peut être une excellente occasion de le concrétiser !

Éric Gava