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À la petite semaine

Cent ans de perdus

Le jeudi 13 mars 1997.

Il y a plus d’un siècle, les militants qui donnèrent naissance à l’Internationale et qui œuvrèrent ensuite à l’éclosion d’un syndicalisme révolutionnaire fortement influencé par l’anarchisme de Proudhon et de Bakounine avaient tout naturellement mis l’accent sur la nécessaire solidarité des travailleurs de tout pays, par-delà les frontières et au mépris des drapeaux nationaux, dans lesquels ils voyaient, non sans clairvoyance, de tristes joujoux patriotiques faisant obstacle à l’émancipation du genre humain.

Depuis, de l’eau a coulé sous les ponts et, lénino-stalinisme, réformisme mou et pénétration néo-cléricale aidant, les représentants officiels du mouvement ouvrier n’ont cessé de prendre du ventre, de salir à peu près tout ce qu’ils ont touché, jetant aux orties ce qui fit sa force et sa dignité, notamment cet internationalisme des origines, renié par un national-syndicalisme à front bas, souillé par des formules répugnantes dont le célèbre « Fabriquons français » de la CGT-PC ne fut pas la moins abjecte.

Aujourd’hui que sur le marché de l’emploi la loi du profit immédiat tente d’imposer brutalement l’ouvrier jetable, comme le mouchoir du même nom, des travailleurs belges, français et espagnols semblent redécouvrir les vertus d’une élémentaire solidarité internationale prônée voilà un siècle par notre courant de pensée.

S’il faut, certes, s’en réjouir, il convient tout autant de ne pas oublier que nos devanciers furent expulsés avec violence du mouvement ouvrier par ceux-là qui œuvrèrent sans cesse à son pourrissement tout en nous faisant perdre cent ans.

À l’heure où un petit soleil rouge et noir paraît vouloir effacer cette trop longue nuit syndicale, il n’est pas forcément vrai que certains débats d’hier soient à nouveau d’actualité. L’histoire a tranché, et il peut être payant d’avoir pour ambition de ne pas répéter les sinistres erreurs du passé. Souvenons-nous en, simplement. Du clairvoyant Malatesta, entre autres, et ne jouons pas encore une fois avec les tricheurs et ceux qui furent leurs complices, même bien intentionnés.

Floréal