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Marche internationale contre le chômage et la précarité

Le jeudi 13 mars 1997.

Combien l’Europe de 1997 compte-t-elle de chômeurs ? Plus de vingt millions ont été recensés par l’Union européenne. Combien sont-ils en réalité ? Trente millions ? Plus peut-être… Cinquante millions de personnes vivent en dessous du seuil de pauvreté et cinq millions sont sans sans-abri.
Telle est donc la situation inacceptable, intolérable que se sont engagés à dénoncer, ensemble, sur tout le continent, les six cents personnes présentes à la réunion de Bruxelles des 22 et 23 février.



On se souvient sans doute qu’en juin 1996 un certain nombre d’organisations de chômeurs et de syndicats d’Allemagne, d’Espagne, de France, de Grande-Bretagne, d’Irlande et d’Italie avaient lancé un appel à organiser, de manière internationale, des marches contre le chômage, la précarité et les exclusions.

Les signataires de cet appel s’inspiraient à l’évidence de deux initiatives du même type organisées l’une, en France, entre autres, par AC ! et l’autre, en Espagne, par nos camarades de la CGT espagnole.

Informer l’opinion publique et mobiliser le mouvement social

Il s’agit, bien sûr, grâce à ce moyen, d’agir sur l’opinion publique, de montrer au plus près, ville après village, la réalité du chômage, de refuser d’en laisser banaliser l’existence ou de s’en remettre, s’agissant de l’information, aux médias traditionnels.

Et pour le mettre en œuvre avec toute l’ampleur nécessaire, c’est tout au moins l’opinion de ceux qui ont pris l’initiative du projet, il importait de lancer un appel qui soit repris le plus largement possible. L’objectif, c’est le mouvement de masse, la présence militante de la plus grande pluralité possible des diverses sensibilités humanistes. Il va sans dire que cette ouverture, qui envisage de mêler, entre autres, les démocrates réformistes et les révolutionnaires de toutes couleurs, a engendré des observations de diverses natures, souvent acides. Quelles que soient les critiques « programmatiques » qu’on peut adresser au pragmatisme de cette démarche, l’observation de la foule présente en ce dernier week-end de février, à Bruxelles, oblige à reconnaître son efficacité. Peu étaient totalement d’accord mais tous étaient là, et c’est sans doute l’essentiel. Nombre d’organisations ou de groupes ont d’ailleurs décidé de participer aux marches elles-mêmes en produisant leur propre analyse et en ne diffusant que leurs propres revendications et points du vue comme, par exemple, la CNT française.

C’est le 14 avril, à Tanger, que commencera la marche du sud ; Madrid sera atteint le 18 avril et, à travers l’Euzkadi, la frontière française le 1er mai.

Converger vers Amsterdam

Un second cortège espagnol traversera le Pays valencien et la Catalogne pour arriver, à la même date, à Perpignan. La France sera parcourue par ces deux cortèges - par Bordeaux et Poitiers vers Paris, à l’ouest ; de la Méditerranée par le sillon rhodanien à l’est - auxquels s’ajouteront des défilés venant de Bretagne et de Provence-Côte d’Azur.

D’autres départs se produiront en Italie ; en Allemagne du Centre et du Nord, à ce dernier se joindront ceux qui arrivent de Scandinavie ; de Genève ; de Grande-Bretagne et d’Irlande. Bruxelles sera atteinte le 28 mai et, le 14 juin, à Amsterdam, toutes les marches fusionneront en une grande manifestation qui se déroulera en même temps que la conférence intergouvernementale de l’Union européenne. Elle exprimera la voix de la colère et du refus de la misère.

Moins de 20 francs français de l’heure

De nombreux débats sur la situation sociale actuelle des diverses contrées d’Europe se déroulèrent à Bruxelles, qu’il serait trop long de détailler ici.

Nous ne citerons que les informations, nombreuses et détaillées, que fournirent à l’assemblée les représentants des associations et des syndicats des îles Britanniques.

C’est là, semble-t-il, que les objectifs visés par le capitalisme européen ont été le plus profondément obtenus. En particulier, la possibilité pour les entreprises et les services de faire appel à une main-d’œuvre extrêmement bon marché et qui n’a plus de défense collective.

Le moyen utilisé consiste, dans un premier temps, à abolir toute réglementation en matière de salaire minimum et, dans un second temps, d’obliger les chômeurs indemnisés à accepter toute offre d’emploi, quels que soient le salaire proposé et le nombre d’heures travaillées, sous peine de perdre leurs indemnités de chômage. Telle est, aujourd’hui, la gestion du chômage pratiquée en Grande-Bretagne et en Irlande. On ne s’étonne plus que les histrions du capitalisme présents de ce côté de la Manche s’égosillent à en faire la publicité : « Sept pour cent de chômeurs en Angleterre ! » Ils oublient de préciser que le système décrit ci-dessus a permis aux managers anglais de ne payer plusieurs centaines de milliers de salariés que 2 livres l’heure, 16 ou 18 francs français…

Non, la marche contre le chômage et la précarité en Europe n’est pas inutile !

J. Toublet