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Irlande

Choisir le bon combat

Le jeudi 27 mars 1997.

Il y a peu d’espoir d’un nouveau cessez-le-feu de l’IRA, les escadrons de la mort loyalistes peuvent reprendre une campagne d’assassinats et de terreur. Nous pouvons revenir à une situation de morts sanglantes quotidiennes. Après que le gouvernement britannique eut fait des histoires durant le " processus de paix ", après Drumcree, après les bombes, après Harryville, il y a une tendance au pessimisme dans les six comtés. Où allons-nous maintenant ?

Les bombes et les fusillades de l’IRA sont une épine au flanc des classes dirigeantes, une douleur déplaisante mais rien qui ne se révèle fatal. Aucun côté ne peut emporter une victoire militaire. Il n’y a aucun moyen qu’une petite guérilla armée puisse défaire la RUC (Royal Ulster Constabulary, police de l’Ulster), la RIR et l’Armée britannique. Les vingt-sept dernières années le prouvent amplement.

Les républicains ne voient la classe ouvrière que comme victime du système et non comme une population ayant la potentialité de le renverser. La bravoure ou la diplomatie de quelques-uns deviennent un substitut à l’action de masse. La campagne de l’IRA et les manœuvres de quelques politiciens deviennent centrales.

Quelques républicains semblent sincèrement surpris que le " processus de paix " ait échoué. Comment peut-on espérer quoi que ce soit de l’État britannique qui est responsable de Bloody Sunday, d’avoir brisé la grève des mineurs, d’avoir mis à bas le système de sécurité sociale ? Et qui est en ce moment même en train d’aider à détruire les boulots des quelques rares dockers qui restent encore à Liverpool ?

Comment peut-on espérer quoi que ce soit du gouvernement de Dublin qui veut que les travailleurs acceptent une augmentation de salaire de seulement 1 % au-dessus de l’inflation pour les trois prochaines années, alors que l’économie crée d’énormes profits, qui veut réduire les salaires des nurses, qui veut donner aux évêques le droit de renvoyer les enseignants qui ne vont pas à l’église ?

Une fois encore, nous sommes censés nous aligner derrière nos patrons et dirigeants dans les blocs Orange et Vert. Et qu’est-ce que tout cela signifie pour nous ? La classe ouvrière est traînée dans des alliances avec des patrons qui ne paient même pas des salaires permettant une vie décente, avec des prêtres qui prêchent la supériorité et la bigoterie.

Le fait que nous prenions en considération ces problèmes qui ont des effets sur nous parce que nous faisons partie de la classe ouvrière ne signifie pas que nous ignorions la partition, le sectarisme et l’occupation de l’Armée britannique. Mais pourquoi devrions-nous nous battre pour une Irlande capitaliste unifiée, que ce soit comme un " pas dans la bonne direction " ou comme une fin en soi ? Joindre les six comtés aux trente-six autres n’apportera rien à la classe ouvrière, dans un État ou dans l’autre. Les travailleurs protestants n’auraient aucune attirance particulière pour cette solution, qui n’apporterait pas davantage pour les travailleurs catholiques un grand futur.

Nous n’avons aucun intérêt à rediviser la pauvreté sur une base plus " équitable ". La seule Irlande qui mérite qu’on se batte pour elle est une Irlande anarchiste : chaque travailleur trouvera à y gagner. Devons-nous nous unir avec toutes sortes de patrons nationalistes pour " libérer l’Irlande " ou devons-nous nous unir avec nos égaux, les travailleurs contre les fractions Orange et Verte, pour nous battre en faveur d’une Irlande dans laquelle nous voulons vivre et dans laquelle nous voulons voir nos enfants grandir ? Nous voyons dans une lutte commune pour une Irlande contrôlée par la classe ouvrière la solution à la partition, la destruction de l’exploitation et le rejet de la haine sectaire.

extrait de Workers solidarity nº 50 (printemps 1997)