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Marseille

Entretien avec Richard Martin

Le jeudi 27 mars 1997.

Après les violences policières du mardi 11 mars 1997 à Marseille, Le Monde libertaire a rencontré Richard Martin, qui est un des inculpés, le plus connu mais aussi celui qu’on essaie de charger le plus.



M.L. : Richard, quel est ton point de vue sur la montée du fascisme en France ?

R.M. : Nous devons nous interroger sur l’efficacité de nos politiques, notamment les politiques de gauche qui ont loupé et doivent endosser une part de cette responsabilité.

M.L. : Nous sommes dans une région particulièrement sensible aux thèses de l’extrême droite, quelles en sont les raisons ?

R.M. : Les raisons sont multiples, l’histoire des migrations n’a pas été assez expliquée. Toutes les dernières immigrations ont été faites sans cadre de cohérence. Le peuple est dérouté, même si sur ces terres du Sud les idées humanistes et l’humanisme de gauche existent toujours. Le discours politique est démagogique, aucun discours n’est cohérent chacun flattant son électorat et d’élection en élection, nous basculons vers les propositions de l’extrême droite car il dénonce un certain nombre d’habitudes et de déroutes prévisibles. Mais nous aurions pu, avec un minimum d’analyse fine, démonter les arguments du FN.

M.L. : Penses-tu que la désaffection des théâtres, donc de la culture des citoyens, aient une conséquence sur son niveau de conscience ?

R.M. : Il est dommage que les théâtres soient moins fréquentés, certes il y a la crise mais aussi le repli sur soi, mais aussi toute la démagogie autour de la sécurité qui fait le jeu du Front national. Ainsi la marche se fait par le bas. Les occasions d’échanger, de dialoguer sont de plus en plus rares et la pensée s’amenuise. La peur montre son nez et l’on se réfugie derrière des hommes.

M.L. : Revenons à l’actualité marseillaise, un des principes de l’État est de défendre coûte que coûte sa légitimité. Tu as été une des victimes. As-tu été surpris par cette violence ?

R.M. : Moi, j’ai été surpris par le piège, la fabrication d’une actualité violente afin de manipuler l’opinion publique. Je pense que l’État représente encore une autorité avec autant de volonté que l’extrême droite. Tout ça ne fait qu’emmener de l’eau au moulin de Le Pen, car au lieu d’expliquer la situation, on essaie de séduire son électorat. Il y a souvent des violences dans les manifestations ; jamais elles ne m’ont parues fabriquées. Cette fois, c’était une immense comédie, afin de rassurer le bon peuple et lui indiquer qu’il est en sécurité.

M.L. : Tu es inculpé avec douze jeunes, comment peut et va s’organiser la lutte autour de vous afin que les procès n’aient pas lieu ?

R.M. : En ce qui me concerne, je dois démontrer la machination, si effectivement j’ai soulevé un policier qui n’était pas identifié en train de frapper un jeune homme par terre, un bateau extraordinaire m’a été mis sur le dos. On m’accuse de complicité de vol, car mon action aurait permis au jeune de voler une chaîne en or à un policier. De plus un policier m’accuse de l’avoir frappé avec un bâton, ce qui est faux. Il est indispensable de réunir un maximum de témoignages des nombreux blessés de la manifestation qui ne sont absolument pas reconnus dans les communiqués de la préfecture. Tous ceux qui ont eu des problèmes de santé suite à la manifestation doivent porter plainte. Quoi faire d’autre ? Il nous appartient aussi de construire un projet qui nous convient plutôt que de passer notre temps à démonter les arguments simplistes de l’extrême droite. Parallèlement nous devrons créer des écoles du citoyen afin de faire renaître l’utopie et quelques rêveries pour construire un projet qui permettrait aux hommes de s’épanouir. Avec cette nécessité impérieuse de se mettre au travail.

Propos recueillis par André Robèr


Vous pouvez adresser votre soutien à Richard Martin en écrivant au Comité de soutien à :

Richard Martin — Théâtre Toursky — 16, promenade Léo-Ferré — 13003 Marseille