Accueil > Archives > 1997 (nº 1065 à 1104) > 1084 (15-21 mai 1997) > [Quand Proudhon fait le pont]

Besançon

Quand Proudhon fait le pont

Le jeudi 15 mai 1997.

En ce premier dimanche de mai, les militants du groupe Proudhon de la Fédération anarchiste de Besançon ont mis en pratique le « droit à la paresse ». Un repos plutôt mérité après les quatre jours d’animations prévus pour faire de ce Premier Mai un rendez-vous résolument libertaire. Toute une série de rencontres qui ont réuni chacune plusieurs dizaines de personnes et auxquelles s’étaient associés les anarchosyndicalistes de la CNT-AIT du Doubs.

Un Premier Mai, dans la rue bien sûr, sous le soleil et sous une banderole noire qui appelait à « agir au lieu d’élire » afin d’en « finir avec l’exploitation ». Militants et sympathisants de la FA et de la CNT-AIT se sont retrouvés en nombre (suffisamment pour que l’équipe de France 3 s’intéresse à ces « anars qui se sont levés tôt »…) pour faire entendre une voix différente des traditionnels « mots d’ordre » de ce type de défilé. Quand la bruyante sono de la CGT cause du travail et de la santé, il est ici question de l’abolition du salariat. Par leur présence, les anarchistes tiennent à rappeler qu’il faut opposer « la répartition égalitaire des richesses à la société de classe, la socialisation des moyens de production à la propriété privée, la gestion directe de la société à l’État, la solidarité internationale au patriotisme ». De tout cela, il en a été beaucoup question la veille au soir, au cours d’une rencontre publique qui avait pour objectif de montrer que pour « changer la société », il existait la « voie libertaire ».

Dans la rue, c’est cette alternative que viennent défendre les manifestants réunis autour du drapeau noir, « Contre le fascisme et la misère, c’est la lutte sociale qui est nécessaire », « Ni Dieu ni maître, ni nationalité »… On marche, on gueule, on cause… Et même si les anars sont en queue de ce cortège presque unitaire, les nombreux slogans antifascistes sont un ciment qui unit (même si cela n’est pas assez perceptible) tous les manifestants. C’est la sensation (depuis ce grand mouvement contre la loi Debré) qu’on est tous embarqués sur la même barque et qu’il va bien falloir malgré nos divergences et nos engueulades nous serrer un peu les coudes si on ne veut pas être broyé par la Bête. Il y a là des syndicalistes (CGT, SUD, FSU, FEN, UNEF-ID…), des écolos, des militants d’Alternative libertaire, des membres de la LICRA et de Ras l’Front, des Alévis, des membres de la Marche européenne contre le chômage, la précarité et les exclusions…

Après la manifestation, nous étions plus d’une centaine à nous retrouver autour des tartes, des salades, des quiches, des petits plats préparés par les copains. Un moment de rencontre essentiel, un buffet froid plein de chaleur de l’échange et du plaisir de se retrouver ensemble. Le lendemain, le public avait rendez-vous avec Christian Leduc pour un tour de chant, suivi d’un concert de musique latino. Et la projection de « Land and Freedom », le film de Ken Loach sur la révolution espagnole.

Un Premier Mai actif qui a montré une nouvelle fois la présence forte du mouvement libertaire dans la ville de celui dont un panneau de rue précise pudiquement la seule qualité de sociologue, Pierre-Joseph Proudhon, un des théoriciens de l’anarchisme.

Pascal Didier