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éditorial du nº 1112

Le jeudi 26 février 1998.

Un mercredi soir… Sur le petit écran, ceux et celles qui ne la connaissent pas encore, peuvent découvrir une récente émission de TF1, au titre prometteur de « Les français sont comme ça ». Tout un programme ! Une émission de plus, nous direz-vous, qui s’ajoute aux autres stupidités quotidiennement déversées sur la même chaîne, pour ne parler que d’elle. Peut-être, mais une émission qui se distingue néanmoins, de par les remarquables efforts de ses producteurs pour nous livrer une malsaine mixture ultra-patriotique ! Tout y est : le décor (en bleu, blanc, rouge !) ; le très lourd « bon sens » de M. Coffe, devenu semble-t-il le champion indécrottable de la glorieuse cuisine française ; le sociologue de service, qui commente avec un enthousiasme feint une succession insensée de sondages aussi douteux qu’aléatoires ; et pour finir, l’animateur dynamique, répétant toutes les dix minutes que, oui, décidément, « les français » sont formidables : « ils » achètent intelligent — c’est bien connu tous les habitants des autres contrées consomment comme des cons —, « ils » savent faire la fête, « ils » ont le sens aigu de la famille etc. Car, bien entendu, c’est un « style de vie », des mœurs, des traditions, bref une culture nationale qui est supposée faire cette fameuse identité française.

Dans cette émission, mais plus globalement dans l’ensemble du discours médiatique dominant, la « culture française » est défendue avec tant de force, de conviction (et de moyens financiers !) que celui qui oserait douter, ne serait-ce qu’un instant, de cette si magique identité collective, ne pourrait être qu’un fou ou le plus sinistre des imbéciles… Dans le déversement journalier de stéréotypes franchouillards, on reconnaît tout de suite certaines bonnes vielles valeurs : le sens de la famille notamment. Mais, mutations sociologiques oblige, c’est une nouvelle famille, plus restreinte, qui est dépeinte et encensée.

Inutile de dire combien ces discours nous sont insupportables ! Dans cet univers artificiel, il va de soi que la notion de classes sociales, tout comme celle d’individu — au sens noble du terme — n’existe pas, n’a pas le droit d’exister. La « culture nationale », dont la réalité sociologique reste toujours plus que relative, sert en réalité d’alibi au nationalisme, concept éminemment politique, indispensable aux classes dominantes et qui porte immanquablement en lui la même logique xénophobe même s’il change de look ; un nationalisme qui, au bout de compte, donnera encore plus de force aux discours du Front national !