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Élections régionales et cantonales

Abstention sans complexe !

Le jeudi 26 février 1998.

On peut en ricaner ou en douter, mais le fait est que nous sommes bel et bien entrés dans la phase active des élections régionales et cantonales prévues les 15 et 22 mars prochain. Et à l’évidence, cela ne déchaîne pas les passions populaires.

Les politiciens ont donc appris à s’en accommoder et font leurs petites affaires entre eux. Ils se disent qu’au bout du compte les abstentionnistes et les non-inscrits ne sont qu’une menace éphémère… pour le moment. En effet les règles de la démocratie représentative sont ainsi faites qu’avec un minimum de voix, il est possible d’accrocher une bonne place ou pour le moins d’intervenir dans les rapports de forces institutionnels, ce qui procure nombre d’avantages matériels.

Il ne suffit donc pas de constater que le FN stagne en nombre de voix depuis plusieurs années pour être rassuré puisque l’accroissement du nombre de non-votants et la multiplication des listes vont probablement permettre à ce parti fasciste d’avoir des pourcentages électoraux élevés. Cela lui donnera plus d’élus et en conséquence plus de capacité à orienter au quotidien la gestion des lycées dans les conseils régionaux et de peser sur la répartition des budgets sociaux au sein des conseils généraux, par exemple. Sans parler des facilités induites pour placer au fil du temps des cadres à des postes bureaucratiques clés. Tous les partis politiques procèdent de la sorte, bien entendu, mais cela n’évacue pas le fait de l’infiltration des structures étatiques par les fachos. Difficile de se voiler la face, sauf à être inconscient des règles du jeu politique qui façonnent notre réalité quotidienne. Le FN peut être en situation de renforcer institutionnellement les dérives xénophobes et racistes en œuvre par ailleurs dans la société.

C’est pour la gauche et son extrême un des rares arguments qui leur restent pour justifier le « vote utile » dans un cirque électoral dont plus personne n’attend quelque chose.

Le « vote utile » au profit de qui ?

Cette gauche plurielle ne manque donc pas de mettre les anarchistes face à leurs « responsabilités », et nous accusent de faire le jeu du fascisme parce que nous appelons à l’abstention révolutionnaire. L’argument est facile et primaire mais encore efficace auprès d’électeurs pas trop critiques et anesthésiés par l’arme fatale du « je choisis le moins pire ». Il convient donc de rappeler à ces antifascistes électoraux qu’ils devraient se poser la question de savoir si, par hasard, le fascisme ne serait pas un produit de la démocratie représentative dans la mesure où ce système politique pérennise et légitime une économie construite sur la domination et l’exploitation, ce qui n’engendre que misère, frustration et corruption, terreau essentiel à l’extrême droite ?

Ne faut-il pas justement stigmatiser la délégation de pouvoir, les hiérarchies sociales, la fumisterie des leaders sensés nous guider vers un monde meilleur, l’absence de tout contrôle réel des fonds publics et privés, fruit du travail collectif, etc.

C’est parce que nous sommes conséquents avec notre critique et avec notre rejet de cette société que nous refusons de collaborer à ces pantomimes électorales. Et c’est parce que nous travaillons à la construction d’une société émancipée de ces injustices par l’action d’un mouvement social égalitaire et libertaire que nous assumons notre abstention.

Combien de fois faudra-t-il répéter que la meilleure arme contre le fascisme est et restera la lutte sociale ? Depuis 1981 la preuve a été faite qu’objectivement une majorité de gauche permet aux poisons du racisme et du fascisme de se développer. Pis encore, cette dérive n’est plus depuis longtemps le fait de la seule activité du F.N. Il existe aujourd’hui un racisme d’État avec le vote « démocratique » de lois scélérates à propos de la politique de l’immigration et des sans-papiers !

De l’abstention… à l’émancipation sociale !

Le fait nouveau pour cette gauche inconsistante est que les anarchistes reprennent pied dans les mouvements sociaux. Il devient difficile pour eux de s’en tenir à leurs habituels discours sur l’inexistence des organisations anarchistes comme ils le distillent systématiquement depuis des dizaines d’années.

Aujourd’hui l’appel à l’abstention a un écho du fait des impasses dans lesquelles se sont mis eux-mêmes les démocrates et du fait de l’émergence de pôles de radicalité révolutionnaire à forte tendance libertaire, ce qui donne une perspective et un contenu politique à ces abstentions. Le risque pour ces politiciens étant que cette abstention « traditionnellement » passive ne trouve une capacité à penser et à développer des pratiques sociales émancipatrices, donc en rupture avec les schémas de la représentation.

En attendant, les listes 100 % pur gauche de la LCR ont cru bon de dénicher des colistiers s’affublant de l’étiquette « libertaire radicalement social-démocrate » du plus mauvais goût. Après la « gauche plurielle » voici venir la « nouvelle gauche voiture balais », histoire d’instrumentaliser et d’intégrer dans le sérail tout ce qui participe des mouvements sociaux d’aujourd’hui. C’est pour ces néo-léninistes non repentis le seul moyen qu’ils aient trouvé pour gérer l’existence de plus en plus conséquentes des libertaires au sein des luttes sociales.

À ces petits calculs les anarchistes fédérés opposeront une dynamique et une stratégie révolutionnaire construite autour de concepts clairs : auto-organisation, démocratie directe, coordination des luttes à partir des structures de base, égalité économique et sociale.

Face à une économie capitaliste fabriquant toujours plus de misère pour le plus grand profit d’une classe de privilégiés et face à un État toujours mieux armé pour réprimer et contrôler les révoltes sociales, il n’y a pas d’autre alternative possible que leur destruction.

Place au fédéralisme libertaire et à l’anarchie !

Bernard
groupe Déjacque (Lyon)