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éditorial du nº 1116

Le jeudi 26 mars 1998.

Jack Lang, la semaine passée, parlait d’un vendredi noir pour la démocratie. Sombre démocratie parlementaire à vomir lui répondra-t-on. Cette semaine de magouilles électorales démocratiques qui a vu triompher la stratégie du FN, à savoir, faire exploser la droite, s’explique assez bien. Depuis longtemps, la représentation politique en place ne recouvrait plus la réalité sociale. Un choc devait se produire un jour ou l’autre…

Gauche et droite se sont amusées depuis quinze ans avec le pétard FN. Aujourd’hui, ce dernier est devenu bombe et explose entre leurs mains. Nos politiciens jouent les effarouchés alors qu’ils en étaient bien conscients, c’est évident. Leur soif de pouvoir, leurs intérêts immédiats peuvent même passer par le cynisme ou la folie suicidaire. Jospin et consorts jouent et rejoueront de la fibre républicaine jusqu’à la nausée… et au raz-de-marée fascisant qui les fera tomber. Peu importe, il faut tenir dans la durée, coûte que coûte. Qui sont alors les inconscients ? Ceux qui condamnaient notre abstention au prétexte que « voter c’est éliminer » doivent être légèrement gênés aux entournures. Répétons-le encore une fois, l’électoralisme, loin d’être un barrage au fascisme, peut en plus l’aider à s’installer légalement. Le front républicain, ce triste gadget, vient de révéler toute sa force n’est-ce pas ? Hélas, la gauche plurielle n’a plus que cette stratégie véreuse pour continuer à gérer les affaires. Quant à ceux qui, à l’extrême gauche, osent encore nous faire croire à une gauche de combat contre la droite et le FN, qu’ils ouvrent grand leurs yeux. Qui envoie les CRS contre les routiers en grève, contre les chômeurs en demande de mieux vivre, contre les salariés grévistes, telles les travailleuses de Panasonic à Longwy ? Qui fiche les sans-papiers et compte en laisser 70 000 dans un désespoir total au plus grand profit d’un patronat vorace de main d’œuvre bon marché ? La banalisation supplémentaire du FN ne radicalisera sûrement pas la gauche, mais au contraire lui ouvre un espace au centre.

Alors, arrêtons les illusions. Anarchistes, nous n’aurons de cesse de proposer comme seule alternative l’urgence de fédérer toutes les luttes qui ont émergé depuis trois ans et qui, chacune à leur façon, ont dénoncé capitalisme et État, tous deux facteurs de désespérance sociale, ce qui permet la montée du fascisme. Oui, il est désormais impératif qu’un fort mouvement social, autonome, balaie tous les immondices qui s’accumulent chaque jour. Nous y mettrons toute notre énergie. Combattre le fascisme ne suffit pas, il faut le vaincre : cela par une révolution sociale et non par de fumeuses réformes institutionnelles teintées de discours humanistes. Il reste peu de temps !