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Clermont-Ferrand

Sans-papiers

une solidarité active
Le jeudi 11 juin 1998.

Depuis le 14 avril, des sans-papiers occupent l’église Jeanne-d’Arc à Clermont-Ferrand. Ils sont soutenus par un collectif rassemblant 35 organisations et un collège de 104 parrains.

En réponse au traitement arbitraire de leurs dossiers par un personnel trop zélé, préfet en tête, qui met toute son expérience au service des consignes nationales (ne régulariser qu’un demandeur sur deux), le 29 mai, cinq Guinéennes, accompagnées de leurs enfants sont allées crier leur colère et leur désespoir.

Deux représentants du collectif ont été admis dans la préfecture avec beaucoup de difficulté, pour les aider dans leur démarche. Dure journée pour ces femmes et ces enfants qui sont entrées dans les locaux à 9 heures, pour n’en ressortir qu’aux environs de 18 heures. D’autant plus dure qu’interdiction a été faite au collectif de leur apporter de la nourriture, seuls les bébés ont eu droit à un biberon vers 16 heures.

À la faveur d’une mise à l’écart des deux représentants du collectif, les cinq Guinéennes ont été expulsées (le terme n’est pas trop fort) par les forces de l’ordre via les sous-sols du bâtiment.

Le dialogue n’a pas été facile… Un fonctionnaire se serait même permis d’apostropher une des femmes par un cinglant « toi je ne t’ai pas parlé ! ».

À leur sortie, l’indignation des manifestants a été telle qu’un sit-in improvisé a bloqué la circulation du centre-ville. Nous étions plus d’une centaine à scander avec les Guinéennes « Des papiers pour tous les sans-papiers ».

Bilan

Ces cinq familles n’ont obtenu qu’un titre de séjour de trois mois. Si l’administration espère une démobilisation au mois d’août, elle se trompe !

Coup médiatique intéressant pour le pouvoir grâce à la presse locale. Le journal La Montagne qui ne craint pas les concurrents puisqu’il est en position de monopole, a encensé l’action préfectorale en laissant penser que le préfet avait déjà fait le maximum dans cette affaire.

Malgré les promesses faite aux sans-papiers, la confiance naïve n’est pas à l’ordre du jour. Certains parrains et personnalités du collectif craignent fort des arrestations et des expulsions dans les prochains jours, en dépit des recours déposés. D’autant que tous ne se sont pas fait connaître du collectif.

Concernant les célibataires, il semblerait qu’ils ne seront pas régularisés au seul motif de leur célibat, et ce malgré tous les justificatifs présentés (fiche de paie, quittances de loyer, cartes de sécurité sociale, etc.).

Devant un tel luxe de mauvaise foi et, somme toute, de mépris devant la volonté administrative de rester sourd à toute argumentation, beaucoup se déclarent prêts à la désobéissance civile, élus compris. Un journal du collège des parrains a même vu le jour. Dans sa première édition, des personnalités de tous horizons y expriment leur révolte et dénoncent (socialistes et Verts inclus) l’application faite de la circulaire et de la loi Chevènement. Un tract du collectif dénonce nettement « la loi Chevènement du 11 mai 1998 qui ne rompt pas avec la logique Pasqua-Debré ».

Une pluie battante n’a pas empêché la manifestation du 6 juin de rassembler environ 300 personnes. Pendant qu’une délégation était reçue à la préfecture, les manifestants ont bloqué tout le centre-ville durant deux heures. À l’issue de cette journée, les bonnes paroles du préfet Leblond nous ont été transmises. Il apparaîtrait qu’il se penche tous les jours un peu plus sur les dossiers. Continuons donc de manifester, il finira peut-être par tomber…

Pour Yunus Jalow, le porte-parole des sans-papiers, aucune hésitation : « La seule façon de mettre un terme à ses situations […] est d’abroger la loi Chevènement. »

Espérons que la prochaine fois le slogan sera « Leblond es-tu Papon ? Jospin es-tu Pétain ? » « Non aux déportations ». Aujourd’hui, un autre discours que celui du paternalisme se fait entendre. Dans cette société dite moderne, circulent librement les marchandises et surtout les capitaux au gré des marchés financiers. L’argent circule librement mais pas les hommes, les femmes, les enfants qui sont aujourd’hui sacrifiés à la folle logique du pouvoir de l’argent. Il faudra bien que ça change !

Martine
groupe Spartacus (Clermont-ferrand)