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L’Irlande du Nord et l’accord de paix

Le jeudi 30 avril 1998.

L’accord de paix récemment conclu entre les politiciens nationalistes et unionistes d’Irlande du Nord a été universellement acclamé comme « historique » par les médias internationaux. Les signataires de cet arrangement ont été qualifiés de « héros » pour leur bravoure et leur courage dans la rédaction de cet accord. L’accord a été présenté comme offrant la « paix » aux habitants.

Cependant, il a peu été question de la nature de cette paix proposée. Jusqu’à un certain point, cet accord est une tentative pour transformer l’Irlande du Nord en une démocratie néo-libérale standard. La répression bigote par les pouvoirs établis unionistes de la classe des travailleurs nationalistes s’est montré bien disposée à la résistance. D’un autre côté, le néo-libéralisme international est un système auquel il est beaucoup plus difficile de résister. Ainsi, pendant quelque temps, il y a eu une division au sein de la classe dirigeante d’Irlande du Nord.

Les unionistes traditionnels de l’aide droite étant opposés à tout changement, tandis que l’État britannique préférait un glissement vers une approche néo-libérale plus « moderne » du gouvernement de l’Irlande du Nord.

L’accord entre les politiciens s’est concentré presque exclusivement sur des arrangements pour le partage du pouvoir. Les luttes majeures de la classe des travailleurs nationalistes, pour la dissolution de la RUC (police) et la libération des prisonniers n’a même pas figuré sur l’agenda des discussions. Elles seront traitées par des commissions à une date ultérieure. Cependant, quelques jours seulement après la signature de l’accord, Tony Blair et David Trimble (UUP) [1] ont clairement annoncé qu’une réforme majeure des forces de polices est une option que ne sera tout simplement pas envisagée.

Quoi de neuf ?

La nouveauté majeure dans cet arrangement, en comparaison avec les accord précédents qui ont échoué, c’est qu’il incorpore le Sinn Fein (Républicains) dans la structure du pouvoir. C’est depuis longtemps une des tactiques favorites des pouvoirs impérialistes que de coopter les dirigeants politiques de la résistance et de les utiliser pour « gérer » la population.

L’ANC et le PLO, tous deux impliqués dans de récents accords « historiques » n’ont clairement pas menacé le statu quo capitaliste, et se sont juste montrés fermes pour « policer » toute opposition. Il est difficile de voir sous un autre jour le rôle du Sinn Fein dans cet accord. Durant toutes les négociations, ils ont à peine prétendu consulter leur base, présentant des stratégies pré-formulées pour que les gens les adoptent.

Pendant ce temps, la tuerie continue, avec au moins deux meurtres sectaires depuis que l’accord a été signé. Est ce que cet accord contribuera a arrêter le cycle de la violence et permettra a la solidarité et à la coopération de s’épanouir à travers les divisions religieuses ? Tandis que l’intensité de la violence se relâchera presque certainement, cet arrangement pourrait, en fait, avoir pour effet de renforcer les divisions « tribales » dans la classe laborieuse d’Ulster. Le cadre de cet accord est basé sur le modèle de deux groupes divisés et antagonistes. Chaque membre de l’assemblée devra annoncer à quel bloc il appartient, nationaliste, unioniste, ou indépendant. Le pouvoir sera contrôlé par un système de quotas, chaque bloc ayant un certain nombre de sièges dans les conseils prenant les décisions. Ce système de quotas a produit des échecs manifestes lorsqu’il a été appliqué ailleurs.

Toute solution réelle et durable à la haine et à la violence en Irlande du Nord peut seulement venir de l’action populaire. Pendant ce temps, cet accord pourrait renforcer les divisions tout en permettant au statu quo de se maintenir essentiellement inchangé en dépit de l’ajout de quelques nouveaux visages.

Chekov, correspondant à Dublin pour le Monde libertaire


[1Irish News, 17 avril 98. UUP est le principal parti unioniste (protestant).