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La pandémie du sida aura-t-elle bientôt une fin ?

Silence = mort

Le jeudi 30 avril 1998.

On le sait, encore de trop nombreuses personnes sont contaminées chaque jour, dans le monde, par le VIH (virus d’immuno-déficience humaine). 30 millions de personnes sont ainsi séropositives actuellement.

On sait également que les personnes séropositives déclarant le sida (syndrome d’immuno-déficience acquise) succombent ensuite rapidement, victime de la première maladie opportuniste venue. On le sait, encore et toujours, les pays hypocritement appelés en voie de développement sont les plus touchés quantitativement par cette pandémie assassine. Après la peste, la lèpre, le choléra, et que sais-je encore, on a quelque peu le sentiment, au regard de l’ampleur du sida, qu’un fatalisme hallucinant s’installe, et ce face aux différentes épidémies conséquentes pour l’humanité.

Certains scientifiques pleins de philosophie à deux balles parleront, à propos du sida, de régularisation démographique, sorte de sélection naturelle à la sauce darwinienne. Les homophobes parleront d’une hécatombe dont les coupables homosexuels sont les payeurs ; et ils s’en réjouiront. Les tenants de l’ordre moral, qu’ils soient religieux ou politiques, parleront soit de châtiment divin, soit de déviance sexuelle, dès lors que l’on a pas (ou pas envie d’avoir) de partenaire fixe. Les charlatans de toutes sectes et de tous poils parleront de fin du monde méritée. Les bien-pensants diront des toxicomanes qu’ils sont des délinquants de seconde zone et les condamneront sans voir plus loin que le bout de leur nez. Les publicitaires comme Benetton joueront avec l’idée de discrimination séropositif/séronégatif tatouée sur la peau, comme d’autres portaient contre leur gré l’étoile jaune ou le triangle rose.

Et il y a ceux qui n’oublient pas que de gros lobbys financiers, comme ce fut le cas avec le laboratoire américain Abbot, bloquent la fabrication à grande échelle des médicaments et autres anti-viraux existants ; le marché n’étant pas assez rentable, paraît-il… Il y a ceux qui n’oublient pas que le pape à lui seul influence le comportement sexuel de millions de personnes, que ce même Jean-Paul II prêche le non-port du préservatif (considéré comme un avortement avant l’heure), et qu’il commet ainsi un crime contre l’humanité sous prétexte qu’il n’a jamais bandé (vraiment ?!), ou du moins que sa religion le lui interdit. Il y a ceux qui n’oublient pas, également, que la santé publique peut délibérément être mise en danger par des hommes et des femmes politiques, comme ce fut le cas avec l’affaire du sang contaminé et des ministres « responsables mais pas coupables » ! Et puis il y a ceux qui n’oublient pas de dénoncer que certaines puissances, politiquement et économiquement impériales et racistes, se réjouissent silencieusement de voir l’Afrique se mourir à petits feux.

Chronique d’un sidaction décevant

On peut tout d’abord s’interroger sur le pourquoi d’une soirée ambiance bon enfant, similaire au téléthon, pour une maladie comme le sida. En effet, à part pour le cas des enfants hémophiles contaminés par le VIH, on a du mal à comprendre le paternalisme et la moralité qui planent durant la première partie de la soirée. Ensuite, on a du mal à comprendre comment des chanteurs et des chanteuses, bien souvent loin de nos réalités, investissent entièrement la seconde partie de la soirée, et comment ils pourraient être plus intéressants que des discussions, des témoignages du « vivre avec », des chiffres, des analyses sur la maladie. C’est en tout cas sans conteste beaucoup plus canalisable que l’éclat de voix d’un représentant d’Act-up… Et, dans ce genre de soirée télévisée, on oublie un peu trop qu’il vaudrait mieux choisir politiquement de financer la recherche et l’accès au soin pour tous, du Nord au Sud, plutôt que de financer les essais nucléaires dans le Pacifique, les drôles de trous du Crédit Lyonnais, ou encore le Stade de France. Ces choix-là, fort regrettables, il faut les dénoncer.

Agathe