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Marée noire

Les Délinquants du capital et de l’État…

qu’ils s’en aillent tous !
Le jeudi 9 janvier 2003.

C’était un désastre annoncé. Sur onze naufrages sur les côtes européennes, sept ont eu lieux sur celles de Galice. La situation du transport maritime au niveau mondial repose sur le maximum de bénéfices, au moindre coût pour les entreprises transnationales. Ce « résultat » est obtenu par l’exploitation toujours plus grande des travailleurs de la mer et par la professionnalisation toujours moins grande du secteur. Cette logique est ancrée sur un modèle économique basé exclusivement sur l’usage du pétrole, combustible fossile dont les réserves s’épuisent et qui est à l’origine de nombreuses guerres et de centaines de milliers de morts (Afghanistan, Iran, Irak).

Ce modèle du capitalisme néo-libéral du plus grand bénéfice à tout prix, qui ne profite qu’à une poignée et coûte beaucoup au plus grand nombre, c’est celui qui navigue au large de nos côtes encore un fois, jusqu’à ce qu’il arrive ce qui devait arriver : une nouvelle tragédie économique, environnementale et humaine, tragédie que la Galice n’est pas en situation d’assumer. En ce moment, ce sont plus de huit mille familles qui sont affectées directement dans leur milieu de vie, et huit mille autres voient leur futur mis en danger à court terme. Sans compter les 500 kilomètres de côtes où la pêche est désormais interdite.

La pêche et le mareyage emploient des milliers de travailleurs dans notre pays (marins, pêcheurs à pied, acheteurs, vendeurs, transporteurs, etc.). C’est un des secteurs de base de notre économie, son naufrage nous entraîne tous dans son sillage. De plus, il faut tenir compte qu’une quantité non négligeable des produits de la mer est vendue directement, sans passer par les criées. Ainsi, le nombre de travailleurs directement affectés par la marée noire sera beaucoup plus grand que ce que laissent prévoir les statistiques officielles. On parle ces derniers temps des armateurs qui encaissent l’assurance de la cargaison alors que celle ci est au fond de la mer, et du fait que certains naufrageraient leurs navires pour toucher des primes de millionnaires. C’est la vérité, cela se pratique depuis de nombreuses années et jusque-là personne n’a jamais rien dit. Les pirates de la mer ont de nombreux visages : armateurs, entreprises pétrolières, États, compagnies d’assurances. ils se tiennent tous les uns les autres.

Le transport de pétrole brut et de matières dangereuses à proximité de nos côtes — et même dans nos fleuves — depuis de nombreuses années a provoqué de véritables désastres environnementaux. La polémique pour savoir si les navires possèdent ou non une double coque est anecdotique. S’il passe des milliers de bateaux au large des côtes, qu’ils aient une coque ou deux, il en suffit d’un qui s’éventre pour qu’il nous inonde de sa merde. C’est une simple question de statistique et de nombre.

Cette fois, la catastrophe écologique et humaine est très coûteuse, et nous ne savons pas ce qui va se passer dans les prochains jours et mois. Les plages et les rivières sont le milieu de vie de milliers de travailleurs qui maintenant sont fatigués de ces désastres en chaîne. Chaque année, la Costa da Morte (côte de la Mort) est désertée par les jeunes : des milliers d’entre eux fuient, pour travailler temporairement aux Canaries, aux Baléares ou dans n’importe quel autre endroit d’Europe ou du monde. De nouveau, cette catastrophe humaine va reprendre et des milliers de jeunes vont devoir quitter ce pays et s’ajouter à la longue colonne de l’émigration.

S’il est difficile de nettoyer les rivières, imaginez ce qu’il en est des rochers où on élève les pousse-pieds, roches battues par la mer, d’accès difficile. Cela peut prendre des années avant de récupérer leur milieu, peut-être un peu moins pour les autres coquillages, coques et moules.

La pêche côtière est stoppée sur une frange de 500 km de côte mais le délégué du gouvernement ose dire que nous avons beaucoup de côtes, qu’il n’y a pas de marée noire, juste des tâches disséminées. Les oiseaux de mer (cormorans, pélicans) qui passent — ou vivent — ici lors de leur migration et nichent dans les lagunes voisines de la côte meurent par centaine, et il se peut que certaines espèces rares disparaissent même. Pour pouvoir nettoyer le fuel qui s’est enfoui sous le sable, il va falloir d’abord enlever celui-ci, et découvrir les fonds marins couverts de goudron. Fraga, le président du gouvernement régional parti à la chasse le jour de la marée noire, ainsi que les ministres impliqués maintiennent et poursuivent leurs mensonges. La presse et la télé continuent leur travail de désinformation. Le gouvernement central minimise les conséquences d’un désastre qui aurait pu être évité : il n’y a pas de marée noire, et encore moins de déclaration de catastrophe naturelle. Le conseiller de la pêche aurait même dit qu’il ne fallait pas en faire une montagne. L’arrogance et le mépris du gouvernement galicien comme du gouvernement central ont été flagrants ces derniers jours, refusant l’aide des autres pays car tout était sous contrôle. Contrôle qui s’est montré tellement efficace que Muxia s’est couverte par trois fois de fuel.

La désorganisation, l’insuffisance des critères techniques, l’absence de prises de décision de la part des politiques a été totale. À tel point que les techniciens hollandais ont dénoncé le fait de n’avoir eu comme interlocuteur aucun technicien local mais que des politiciens.

Mais, face à ce désastre, une partie des travailleurs de la mer et de la population côtière ont peur de parler à voix haute. Le caciquisme des petits politiciens locaux est enraciné ici, les fascistes du Parti populaire (Fraga, chef PP du gouvernement de Galice, a été ministre du temps de Franco) affichent en grand leur présence dans nos villes ; ce sont des maîtres et des « señores » à la tête de grandes exploitations agricoles. Ce n’est pas en vain que l’on dit de Fraga et de Camariñas : « Les autres viennent avec des paroles, eux apportent les pesetas ». La répartition des aides (à qui et comment ?) est en jeu, et les gens n’ont pas la force suffisante pour crier haut et clair et exiger des solutions immédiates ; ce devrait être l’ensemble des travailleurs de Galice qui devraient crier avec eux.

La fédération de Galice de la CNT-AIT, partie prenante de la « Plate-forme citoyenne Plus jamais ça », exige une série de mesures en quatre points :
 Déclaration de la Galice comme zone sinistrée, englobant tous les secteurs en relation, directe ou indirecte, avec la catastrophe.
 Mise en route de mécanismes de prévention sur toute la côte et restauration du milieu naturel avec toute la dotation économique nécessaire.
 Adoptions de mesures par le gouvernement de l’État et la junte de Galice (gouvernement régional) pour que ce genre de fait nepuisse plus se répéter : contrôle du trafic maritime, état des navires, dispositifs de sauvetage, lutte contre les contaminations maritimes, interdiction de transbordement dans nos fleuves de substances dangereuses.
 Démission de toute la chaîne de responsables politiques inutiles : ministres, délégués du gouvernement, conseillers et président de la Junte régionale.

La Fédération de Galice de la CNT-AIT lance un appel pour que vous vous joigniez à nous et que jaillisse de chacun d’entre nous la rage et la force du peuple travailleur.

Fédération galicienne de la CNT-AIT