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Retraites

les anarchosyndicalistes remettent l’ouvrage sur le métier
Le jeudi 15 mai 2003.

À Lyon, voici quelques semaines, s’est créé un « comité de défense intersyndical des retraites », à l’initiative de militantes et de militants syndicalistes d’horizons divers. Il s’ajoute à la liste des comités de Paris, Périgueux, Besançon, Grenoble, etc.
Un tract a été diffusé massivement à la manifestation du 3 avril 2003. Une réunion à la suite de cette manifestation a permis d’élargir le petit cercle initial. L’appel émanant de ce comité est actuellement signé par trente militant(e)s syndicalistes, dans l’attente de signatures de plusieurs structures syndicales.



Qu’est-ce qui menace vraiment les retraites ? Contrairement à ce que martèle la propagande actuelle :
 Ce n’est pas le vieillissement de la population. L’augmentation du nombre de retraités n’est pas un handicap dans une société où la productivité des actifs augmente constamment : chacun produit davantage et peut subvenir aux besoins d’un nombre croissant d’inactifs.
 Ce n’est pas le départ à la retraite à 60 ans. Quels sont les effets d’un allongement de la durée de cotisation, dans une société où un actif sur dix est au chômage, où les deux tiers des salariés qui arrivent à l’âge de la retraite n’ont déjà plus d’emploi (préretraite, invalidité, chômage) ? Des retraités plus pauvres d’abord… Un peu moins de retraités, ensuite, mais autant de chômeurs en plus, et pas un cotisant de plus. Car ce ne sont pas les actifs qui manquent, ce sont les emplois.

Ce qui menace les retraites c’est :
 La persistance d’un taux de chômage élevé. Cent mille emplois, c’est 1,5 milliard d’euros de recettes de cotisations sociales.
 La baisse relative de la masse salariale. Au cours des vingt dernières années, la part de la masse salariale dans le revenu national est passée de 70 % à 60 %. C’est autant de perdu pour financer les retraites des salariés.
 La baisse organisée du niveau des retraites, notamment par la « réforme » Balladur de 1993 pour le secteur privé : indexation sur les prix et non plus sur les salaires, calcul des pensions sur les 25 meilleurs années (au lieu de 10), allongement de la durée de cotisation de 37,5 à 40 ans. L’ensemble de ces mesures devrait entraîner une dévalorisation des retraites du secteur privé. Exemple : pour un salaire de 6 000 Francs, une pension de 3 850 Francs au lieu de 4 700 actuellement
 La volonté d’imposer une retraite par capitalisation, sous forme de fonds de pension ou autre, se substituant, même partiellement aux retraites par répartition. À la recherche de nouveaux profits, le patronat, et notamment les représentants de la finance, voudraient mettre la main sur les sommes colossales qui transitent par la protection sociale sans rien leur rapporter.
 Le projet de « retraite à la carte » ou la prétendue « liberté de choix » pour prendre sa retraite avant ou après l’âge légal. En fait, les plus riches pourraient partir plus tôt grâce à leur haut revenu ou à leur épargne-retraite complémentaire. Les salariés aux revenus modestes (et aux conditions de travail les plus pénibles) seraient contraints de rester en activité, sauf à accepter une retraite très faible.

La retraite par capitalisation, c’est :
 Le triomphe du chacun pour soi : le salarié prélève une partie de son salaire pour acheter des actifs financiers en vue de constituer un capital pour assurer ses vieux jours.
 Une retraite à deux vitesses : une retraite de base pour tous, d’un niveau faible, gérée par répartition, complétée par une épargne individuelle réservée à ceux qui en auront les moyens.
 Une retraite-casino : c’est quitte ou double ! Si les cours de la Bourse chutent, l’épargnant perdra sa « mise » (cf. Enron, France Telecom, Vivendi). Si les cours sont élevés, ils auront une bonne retraite… Sur le dos des salariés actifs : quand les profits augmentent, les salaires diminuent.
 De nouvelles tensions sociales : devenus rentiers, les retraités auraient intérêt à la hausse des rendements financiers, donc à l’exploitation des salariés, à la compression des salaires et des effectifs. Et que dire du salarié-actionnaire, lui-même tiraillé entre ses intérêts antagoniques ?
 L’aggravation de la crise économique : L’épargne salariale viendrait alimenter la spéculation financière et, par conséquent, la récession et le chômage.
 La dictature des marchés : la répartition des richesses entre actifs et retraités serait « gérée » par les mécanismes aveugles des marchés financiers, avec leurs conséquences parfois brutales : ruine des épargnants ou licenciements boursiers.

Outre le danger qu’elle représenterait pour les retraites et pour l’économie en général, outre le modèle de société qu’elle induirait, la retraite par capitalisation n’apporterait donc aucune solution à un éventuel problème démographique.

La retraite par répartition c’est :
 Le principe de solidarité : le salarié verse une partie de son salaire dans un « pot commun » qui alimente les pensions des retraités. Sa retraite sera payée de la même façon par les actifs de demain.
 Un système généralisé en référence au salaire : des cotisations payées par tous les salariés, ouvrant à tous des droits à la retraite (même s’ils reproduisent les inégalités de salaire).
 Une retraite assise sur la production des générations futures : par ses cotisations, le salarié acquiert le droit à une part des richesses qui seront produites par la génération suivante, sous la forme d’une part de la masse salariale future. Cette part dépendra du niveau des salaires et des taux de cotisation qui seront alors définis par la collectivité.
 La cohésion du salariat : par le biais des cotisations assises sur les salaires, toute augmentation de ceux-ci accroît les sommes affectées aux retraites. Cela maintient une convergence d’intérêt entre salariés actifs et salariés retraités.
 Une relance de la croissance et de l’emploi : les cotisations sont immédiatement reversées aux retraités sous la forme de pensions, constituant un pouvoir d’achat qui alimente la croissance et l’emploi.
 La primauté du politique : la part des richesses affectées aux retraites résulte d’une décision « politique » — que celle-ci relève des pouvoirs publics ou des « partenaires sociaux » — dans le cadre d’un débat public transparent, vote, négociation salariale ou conflit social.
 Et en plus un système qui a fait ses preuves : l’existence, depuis plus d’un demi-siècle, d’un système de retraites par répartition, obligatoire et généralisé, a conduit à une amélioration sensible de la situation des retraités. La vieillesse, autrefois synonyme de pauvreté, ne l’est plus aujourd’hui en règle générale. Au cours des quarante dernières années, la part des retraites dans le produit national est passée de 5 % à 12,5 %. Par quel moyen ? Par une augmentation du taux des cotisations, qui a doublé en trente ans. Sans engendrer de catastrophe ! Pourquoi en serait-il autrement dans les années qui viennent alors que, même avec une croissance plus faible, la productivité continue à augmenter plus vite que le nombre relatif de retraités ?

Le système de retraite par répartition permet une adaptation progressive aux évolutions démographiques et économiques, par un ajustement, année après année, des taux de cotisations, afin d’assurer une répartition maîtrisée des gains de productivité entre salariés actifs et retraités.

D’autres choix sont possibles et nécessaires :
 Abroger la réforme Balladur de 1993. L’amélioration du niveau de vie des retraités est une conquête récente, dont la remise en cause est une régression indigne. Il faut donc abroger la réforme Balladur de 1993.
 Ramener la période de référence pour le calcul des pensions aux dix meilleures années (au lieu de vingt-cinq), pour ne pas pénaliser notamment les salariés de plus en plus nombreux aujourd’hui, qui ont eu des carrières courtes, chaotiques ou en pointillés.
 Ramener à 37,5 annuités la durée de cotisation pour bénéficier d’une retraite à taux plein, en rétablissant ainsi par le haut l’égalité entre les salariés du public et du privé.
 Rétablir l’indexation des pensions sur les salaires (et non plus sur les prix), afin que les retraités touchent aussi leur part des progrès de la productivité.

Tout cela est réaliste. L’augmentation constante de la productivité permet d’assurer à la fois un niveau élevé des retraites et la progression du revenu des actifs. Encore faut-il que les gains de productivité ne soient pas accaparés par les détenteurs du capital, mais qu’elle profite aussi aux salariés, actifs et retraités. Cela pose le problème de la répartition des richesses.

Partager les richesses !

Le financement des retraites ne peut en effet être assuré que si l’on inverse le mouvement de baisse relative de la masse salariale, par prélèvement sur la masse des profits.
 Augmenter les salaires, fortement comprimés ces dernières années sous l’effet du chômage et du recul des acquis sociaux, notamment en matière de droit du travail.
 Augmenter le taux des cotisations patronales. La création d’emplois et la hausse des salaires induiront une augmentation automatique des cotisations de retraite.

Mais cela ne suffira pas. Une augmentation progressive du taux sera nécessaire. Elle devra porter sur la part patronale, qui a beaucoup baissé en valeur relative (56 % du total des cotisations vieillesses contre 64 % il y a quinze ans).

Les organisations et les syndicalistes signataires appellent tous les salariés du privé comme du public, les précaires, les chômeurs, les jeunes, les retraités, à se mobiliser pour empêcher Raffarin d’imposer une nouvelle et grave régression sociale. Elles appellent aussi à participer massivement aux manifestations et aux réunions publiques programmées dans le département ces prochaines semaines.

Si vous désirez rejoindre la liste des signataires, vous pouvez écrire au comité : comiteretraite69@yahoo.fr


Source : Lettre des militant(e)s syndicalistes libertaires, nº 33, avril 2003

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