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Les Réformes réactionnaires

pour une belle sonnerie, c’est une belle sonnerie
Le jeudi 19 février 2004.

Sonnerie de réveil !
« Debout, peuple laborieux ! Ouvrez votre reste de conscience au Dr Medef ! Laissez reposer vos neurones et ne songez même pas à réorganiser vos pensées puisque je suis là pour vous offrir du nouveau, du tout chaud et du prédigéré ! »
Punaise, faudra que je pense à changer de radio… crrr…
« Vous allez contre le sens de l’histoire ! Vos concepts et exigences sont dépassés, on ne peut revenir en arrière. Tout est inéluctable, c’est le sens de l’histoire et qu’on fasse confiance aux entreprises, bon Dieu ! »
La ferme… En plus, Dieu, il a changé de logo, il s’appelle superman maintenant et porte un super caleçon moule burnes…
« La liberté, c’est la souplesse ! »
Mouaih… Sûrement pas celle de nos échines ployées pour s’incliner devant les raclures du baron Ernest… et encore moins celle de mon majeur… Toujours eu du mal à rentrer dans le rang le pôvre…
« Trinquons à l’harmonie sociale ! »
C’est ça, tu la salueras pour moi !
« Et respirez, le gouvernement réforme ! »



Ça y est, on bascule asthmatique ! Voilà que les pétulants « réformateurs » d’aujourd’hui oublient un peu vite qu’ils étaient les pétulants réactionnaires d’hier. Bon, pour être honnête, il est vrai que Raffarin et sa clique aux couleurs du Medef réforment beaucoup en ce moment, avec entrain dans la suppression (au propre comme au figuré). Rétablir l’ordre, le sens des valeurs et de la conscience morale (travaillez, que diable ! Tiens, j’en parlerai au touriste de l’Élysée !), la responsabilisation (tiens, j’en parlerai à Mattéi !)… Un programme plus efficace qu’un laxatif. En plus, ces abrutis ont la prétention de se parer des vertus du changement et de l’avancée la plus moderne.

Merde… bon, d’abord on se dit que pour ces blaireaux, refuser un tel avenir, c’est être rétrograde… et puis, peu à peu, on comprend que le malaise est plus profond que cela. Car, réformateur et réactionnaire ne sont pas deux notions aussi antinomiques que cela peut apparaître au premier abord.

Prenons donc le microscope pour analyser la situation. Là ! Juste derrière le cafard… Mmm… ouais, c’est bon, on a un beau spécimen de conservateur. Alors, que voyons nous ? Il apparaît que le réactionnaire est un conservateur qui a toujours sanctifié le passé, glorifié le présent et diabolisé le futur pour mieux sacrifier le partage et l’égalité sociale à venir. Mince, mais ça bouge en plus ces saloperies ! OK, nette tendance politique à s’opposer aux évolutions sociales et fort désir de rétablir un état de choses ancien. Donc, en quelques mots, le réactionnaire refuse les évolutions à venir et quand celles-ci sont tout de même installées, il va chercher à les réformer pour revenir à ce qu’il voulait. Et ben voilà !

Ainsi, le réactionnaire est par nature un réformateur perpétuel dans l’âme, car l’observation de la nature lui montre un monde non figé, éternellement en mouvement, évoluant sans cesse. Les paysages évoluent, les espèces s’adaptent, certaines disparaissent et d’autres émergent… et tout ce maelström tourne la tête à des esprits étriqués qui cherchent perpétuellement à figer leurs références : classification des êtres et des choses, valeurs absolues morale et religieuse…

Ce décalage naturel, entre le monde et la perception absolutiste qu’ils en ont, se traduit dès lors par une violente opposition au changement, et donc une soif inextinguible de réformer l’état présent pour revenir au passé rêvé, cet âge d’or fictif et mortifère.

Et loin d’être des résistants mollassons, ces barbares sociaux sont en plus d’une violence extrême. Violence dans la réforme, Saint Barthélemy perpétuelle car ancrée dans leur mode de fonctionnement et de positionnement dans un monde statique fictif et perçu comme menacé, fatalement et naturellement. Eux sont actifs donc réformateurs, nous sommes à leurs yeux passifs car résistants… le monde est de nouveau divisé, et bien divisé selon leur propre perception. Tournés vers le passé, les voilà à nouveau heureux de voir que les choses progressent dans le bon sens, que les choses progressent comme la maladie…

Allez, ras-le-bol de décortiquer cette saloperie, je sors la tapette ! Et vlan ! Ça, c’est pour l’ordre moral ! Conclusion de l’expérience : une limace a beau se trimballer avec une coquille en espérant se faire passer pour un escargot, ça ne restera toujours qu’une bête visqueuse. Alors, messieurs du gouvernement et autres sbires du baron Ernest, cessez vos maquillages de l’histoire ! Nous ne sommes pas dupes, nous vous voyons tels que vous êtes : des fossoyeurs de l’humanité, le doigt grippé sur la « marche arrière » de l’enregistreur de l’histoire, fiers dans leurs uniformes de petits soldats du capitalisme et portant en eux le gouffre de nos vies !

Zou ! Le réveil radio est passé par la fenêtre… de toute manière, j’emmerde radio Lagardère… tiens, mais qui c’est qui s’apprête à démarrer en bas ? Mais oui, c’est bien lui ! C’est bien ce couillon de baron Ernest, fièrement campé dans son automobile (Peugeot ?), bras sur le dossier de son siège arrière (en cuir ?) et regard vers la lunette arrière, Ma liberté de penser à fond sur l’autoradio, son chauffeur prêt à lancer les chevaux (vapeur ?) du moteur… la première engagée ! Ah, ces connards de réformateurs réacs… toujours les premiers pour filer droit dans le mur ! No Future, man, surtout pas celui-là !!!

Johann Hénocque, Guy Hénocque