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Lesbian and gay pride 1997

See sex and sun

Le lundi 7 juillet 1997.

Le samedi 28 juin, aura lieu à Paris la « Lesbian and gay europride ». Cette marche va entraîner dans les rues des dizaines de milliers d’homosexuels. Quel sens prend aujourd’hui cette marche, ce carnaval ?

Après 1968, le FHAR (Front homosexuel d’action révolutionnaire) d’abord puis, prenant le relais, les GLH (Groupe de libération homosexuelle) ont milité pour le droit de chacun(e) à disposer de son corps. Ils ont dénoncé le « cadrage » de la sexualité mis en place par les classes dominantes : récupération du désir en vue de la reproduction de l’espèce et du modèle social, apprentissage phallocratique du pouvoir, de la hiérarchie, culpabilisation de l’idée de plaisir… le sexe se paye !

Début des années 1980, les marches de fierté homosexuelle ont perdu de leur côté militant pour devenir progressivement de gigantesques carnavals. Ces marches contribuent-elles à lutter encore contre l’homophobie toujours présente ? Ne rassurent-elles pas au lieu d’interroger le quidam moyen qui voit une fois l’an défiler des gens étiquetés comme festifs, coupés du réel ? À l’heure ou tout s’aseptise, où l’aveugle devient non voyant, le sourd non entendant, à l’heure où l’on anglicise, le pédé devient Gay. N’est-ce pas un peu triste ?

Mais dans la vie, même si au bout il y a la mort, l’homophobie apparaît chez l’homme comme l’expression de la peur de sa composante homosexuelle. C’est l’impossibilité pour l’homme, élevé dans l’idée de domination, dans le but d’être conquérant, d’accepter sa part de féminin.

Viennent alors toutes les assimilations entre l’homosexuel et la femme. L’homme dans sa déconsidération du féminin, de la femme qu’il désigne sous le terme de « sexe faible », dénommera alors l’homosexuel sous des appellations féminines. Il sera : tapette, tante, tantouze… Il a peur d’être désiré par un autre homme, sachant comment il exprime le désir qu’il peut avoir de la femme, quand il le réduit au fait de « tirer un coup ». Il ne peut y avoir que soumission ou domination dans les relations de compétitions qu’il vit avec les autres. Il traitera alors son rival « d’enculé ». Il pourra exprimer son attirance pour un autre homme dans le fait « d’enculer », si ce n’est le viol. Il se défendra alors d’avoir une composante homosexuelle, tant « qu’il fait l’homme ».

Les mouvements de libération des femmes sont allés de pair avec l’affirmation de l’identité homosexuelle. Le dernier grand mouvement, né en mai, il y a bientôt trente ans, aura trouvé de l’énergie jusqu’à la fin des années 70. Mais nous faut-il parler aujourd’hui de libération ou de libéralisation ?

Si la morale religieuse a quelque peu cédé du terrain, elle est encore dans beaucoup de têtes. Les classes dominantes ont su trouver d’autres façons de cadrer la sexualité. Apparition d’un discours scientifique mais aussi récupération plus « juteuse » de l’idée de plaisir par le fric.

Récupération et nouveau cadrage de l’homosexualité. L’apparition et le développement de nombreux bars au début des années 80 sont des occasions en or de faire du blé. La drague se déplace alors de la rue, des lieux publics en lieu clos, sources de profits, coupés de l’extérieur.

L’homosexuel, dans la représentation que le quidam moyen s’en fait, est coupé du réel. Il vit la nuit sous les « sunlight ». Une « drag-queen » qui a la tête dans les cieux et les pieds à vingt centimètres du sol fait sourire. Il reste toutefois périlleux pour deux hommes de se promener en lieux publics en se manifestant de l’affection.

Libération ou libéralisation

Nous, homosexuel(le)s, devrons rester vigilants pour ne pas nous laisser enfermer dans les stéréotypes qui sont loin de nous amener à vivre pleinement notre sexualité. Ne nous laissons pas embrigader dans l’ère du paraître, de l’illusoire.

Cet illusoire qui consiste pour nous pédés, gays (comment nous dénommer ?), d’être femme « jusqu’au bout des ongles » ou par réaction de paraître sous l’aspect le plus fort de l’homme musclé à outrance. Pour les lesbiennes, la tentation, même si elle est moins forte depuis quelque temps, a été de se montrer « camionneur, buveur et bagarreur ».

Nous devons cesser de paraître, de reproduire les schémas qui ont coupé chez l’humain le féminin du masculin. Veiller à créer des relations d’échanges dans tous les instants du quotidien. Être acteur de nos jours et pas seulement consommateurs de nos nuits.

Et si la place de convivialité que nous avons acquise ne nous avait été laissée que par tolérance, dans des sphères closes ? « La tolérance, il y a des maisons pour ça » ?

Et si la libéralisation continuait à faire payer le sexe, prenant le relais sur la religion ?

Et si, comme après les années folles, la folie meurtrière reprenait le dessus ?

Et si, après une libération/libéralisation, une normalisation plus forte apparaissait avec un renforcement de l’ordre moral ?

Et, si… les étoiles brillent aussi le jour.

Alain
groupe Kronstadt (Lyon)