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À bas l’armée !

Le jeudi 4 juin 1998.

Au prétexte paradoxal que l’Europe occidentale est en paix depuis plus de cinquante ans, et au nom d’une prétendue modernité, de beaux esprits (si on peut dire) ont décrété, tout comme pour le combat anticlérical, que l’antimilitarisme était ringard et désuet.

Il suffit pourtant d’ouvrir les yeux, d’explorer sa mémoire sans avoir à remonter bien loin (guerre du Golfe, ex-Yougoslavie, Rwanda etc.) et de réfléchir un tant soit peu pour constater les ravages que font sur notre planète les religions, et les armées, pour remarquer que les guerres de toutes sortes ne font toujours pas partie de l’histoire ancienne, que c’est hélas le quotidien de millions de personnes de par le monde, et que ces boucheries se déroulent souvent avec la bénédiction des religieux de tout poil ! La belle alliance du sabre et du goupillon (au du coran ou de la kippa) a encore de beaux restes ! Mais n’est-ce pas, il ne faut pas confondre les vilains (les autres, si possible basanés et des pays pauvres), et nos valeureux p’tits gars bien vite rebaptisés soldat de la paix ! On est vraiment dans l’imposture sémantique actuelle qui appelle réforme et modernisation ce qui est retour en arrière et régression, et qui voudrait nous faire croire que les pacifistes et les défenseurs de la liberté sont en uniforme, que les violeurs et les assassins sont au service de la veuve et de l’orphelin ! (on croirait lire le « Big Brother » de G. Orwell, quand il faisait dire des slogans du style : « la guerre, c’est la paix ! La paix, c’est la guerre ».

Des milliards pour la mort

Sans oublier, le gaspillage éhonté que représente l’institution militaire alors qu’il y a encore tant de misère. Oui, même en temps de paix l’armée tue car toutes les énergies, tout ce fric mis dans cette œuvre mortifère aurait pu être utilisés a de meilleurs desseins, comme la recherche médicale qui ne progresse pas assez vite, si on songe à ce fléau qu’est le sida par exemple, ou si on se réfère à l’état sanitaire effroyable qu’on trouve dans le tiers monde. Pour vacciner tous les enfants du monde, une dépense de 80 centimes (oui, même pas un franc !) est suffisante, alors que les dépenses militaires sont 1 000 fois plus importantes actuellement, de l’ordre de 800 FF par habitant de cette planète… Alors toutes ces énergies, toutes ces intelligences, toutes ces sciences et techniques perverties pour perfectionner des engins de mort, au regard de l’immensité des besoins des vivants qui ne sont pas satisfaits, n’est-ce pas déjà en soi révoltant !

La chose militaire pollue, et pas que les esprits, il suffit de songer aux essais nucléaires, à toutes les saletés qui ont été fabriquées : armes chimiques, bactériologiques, etc. Dont on ne finit pas d’en payer les conséquences, il suffit de demander, à tous les irradiés ou a tous les mutilés pour cause de mines antipersonnel par exemple !

N’omettont pas non plus la production, le commerce — pour ne pas dire le trafic — d’armes qui dégagent de gros et juteux profits, de l’utilité accessoire soit de payer des pompes à 11 000 balles à un ministre ! En somme (et c’est le mot !), de l’or pour certains et du plomb pour les autres…

École du crime, c’est aussi l’école de la soumission, dont les valeurs (hiérarchie, obéissance aveugle, uniformisation des individus, etc.) sont antinomiques aux nôtres. Et à ce propos, il n’est pas inutile de rappeler le scandaleux protocole Armée-Éducation (initié par la gauche pas encore plurielle mais déjà pourrie jusqu’à la moelle), qui voudrait transformer les lieux d’instruction en officines de propagande militariste.

L’armée, c’est l’insécurité

Au risque de paraître enfoncer des portes ouvertes, il nous faut aussi sans cesse rappeler que cette institution demeure un danger permanent qui pèse sur chacun de nous, en tant qu’individu, mais aussi sur toute la collectivité et en particulier sur le mouvement social, parce qu’elle est le dernier rempart, l’ultime recours armé de l’État. Car l’armée briseuse de grève, ce n’est pas du tout une invention des antimilitaristes, c’est une réalité. Et le plan Vigipirate, avec tous ces soldats en armes qui participent au contrôle des populations (c’est pour votre bien, pour votre sécurité, contre les méchants terroristes voyons !), ce n’est pas un fantasme paranoïaque d’allergies à l’uniforme ! C’est quelque chose que beaucoup ont vécu et vivent quotidiennement dans le métro parisien, les transports urbains, les gares ou certains quartiers… Quant à l’histoire sociale, elle n’est qu’une suite d’exemples sanglants de la nocivité intrinsèque de l’armée : de la Commune de Paris à celle de Kronstadt, des conseils ouvriers d’Allemagne ou d’Italie aux révolutionnaires espagnols, du Chili à la place Tian An Men, la liste est interminable de toutes les forfaitures et abominations de la gente militaire. Et en ces temps de concentration de Mai 68, de Gaulle allant à Baden-Baden chez cette vieille baderne de Massu-la-gégène, c’était pas uniquement pour se remonter le moral, non ?

Liberticide par essence même, il ne faut attendre aucune réforme, aucune transformation positive de cette entreprise criminelle. Alors, qu’on ne vienne pas nous la ramener avec la conscription qui nous protégeait d’un putsch ou d’autres saloperies dont nos galonnés ont le secret : les appelés ont rarement mis crosses en l’air, c’est bien souvent des armées de conscrits qui tirent sur le peuple ! Dans ces conditions, les comités de soldats ou le droit syndical au régiment… Comme disait l’autre, avec juste raison, armée syndiquée égale syndicat du crime. La seule solution possible pour vivre libre, en sûreté et en paix est la suppression pure et simple et définitive de l’armée. Il ne faudra pas se contenter d’un coup de peinture rouge ou noire, il faut en finir avec la soldatesque, et par la même occasion avec le nationalisme et le culte des drapeaux !

On aura vite compris que la lutte antimilitariste reste d’actualité, qu’elle est nécessaire et vitale pour tous les révolutionnaires et qu’il est temps que résonnent encore, toujours, haut et fort ces slogans qui font honneur au mouvement ouvrier :

Ni Dieu ni maître ni nationalité !

Guerre à la guerre !

Pas un sou, pas un homme pour la guerre !

À bas l’armée !

Éric Gava