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éditorial du nº 1135

Le jeudi 8 octobre 1998.

La mort de Sémira Adamu, jeune nigériane étouffée sous un coussin par les gendarmes belges, a fait ressortir ce pays sur le devant de la scène, et ce, quelques mois après l’affaire Dutroux et les réseaux de pédophilie. Voilà qui va sérieusement alimenter ces « inénarrables blagues belges » dont les beaufs sont régulièrement friands. Mais ce chauvinisme ne peut être salvateur d’un certain angélisme. Il n’est pas inutile dans certains cas de balayer devant sa porte. Et voilà que l’on nous reparle au pays des droits de l’homme de la mort d’un demandeur d’asile lors de son expulsion, et ce en 1991. En effet, sept ans auparavant, un Sri-Lankais d’origine tamoule, Arurum Sivasampu Esan était décédé dans l’avion qui devait le renvoyer à Colombo. « Bande Velpeau à hauteur de la bouche retirée par la suite, menottes aux poignets, les mains dans le dos, et aux chevilles ». La reconstitution des faits, suite à une plainte déposée par la veuve d’Arumum Sivasampu Esan a eu lieu le 28 avril dernier.

Sept ans pour faire la lumière sur cette affaire ! Et pour se rendre compte que sa mort « a pu survenir lors de manœuvres de maintien sur le siège effectuées en utilisant une couverture placée en avant de la bouche du cou et du thorax et tirée latéralement en arrière dans un contexte d’agitation importante » (rapport des médecins experts). Mais nos voisins européens ne sont pas en reste lors des expulsions. L’on parle de minerve antimorsures et crachats au Danemark, de cannes glissées dans les pantalons aux Pays-Bas, de body belt en Grande-Bretagne.

Les États débordent d’imagination lorsqu’il s’agit de répression et d’expulsion. Un seul mot d’ordre : maintien de l’ordre établi. Ordre établi, ordre moral : la différence est minime. Ceux et celles qui manifestaient samedi 3 octobre dans différentes villes contre le PACS et pour la notion de famille, à l’appel des Associations familiales catholiques et de Familles de France, avec le soutien des Associations familiales protestantes et de l’Union des familles musulmanes de France, ne se sont d’ailleurs pas trompés. Toutes ces religions liées contre un seul objectif pour défendre leur démocratie. Qu’ils s’agissent des États ou des religions, nous combattrons sans relâche leur politique et leur morale. Parce que notre projet sociétal ne peut se satisfaire de leur déni de droit et de justice.