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Réflexions sur les législatives

raz de marée à gauche ?
Le jeudi 19 juin 1997.

Malgré les mines radieuses des nouveaux ministres et des manifestations de joie des sympathisants de la gauche au soir du deuxième tour, la victoire de la gauche est à relativiser. En effet, la nouvelle assemblée nous donne [1] :

  • 35 députés PC
  • 275 PS, DVG, PRS, Verts
  • 235 RPR, UDF
  • 9 Divers droite
  • 1 FN

Or si cette assemblée avait été élue avec la proportionnelle départementale (comme en 1986), le paysage de cette dernière aurait été tout à fait différent :

  • 36 députés PC
  • 220 PS, DVG, PRS, Verts
  • 212 RPR, UDF
  • 10 Divers droite
  • 77 FN

Ce qu’on ne voit pas dans ce tableau est que les écologistes n’auraient pas eu d’élu sans une alliance avec le PS. Dans cette perspective, la droite aurait eu la majorité à l’assemblée avec les 77 députés du FN (plus du double que le PC).

L’analyse des chiffres exprimés suivant le nombre des votants au second tour est plus claire [2] :

  • 3,6 % (898 310) PC
  • 44,6 % (11 129 956) PS, DVG, Verts
  • 43,8 % (10 939 175) RPR, UDF
  • 2,3 % (583 882) Divers droite
  • 5,7 % (1 419 295) FN

Ces chiffres ont été comptabilisés pour (avec 28,6 % d’abstention) :

  • Inscrits : 37 317 512
  • Votants : 26 653 491
  • Exprimés : 24 970 675

Par le nombre de voix, la droite est majoritaire et le FN apparaît comme le quatrième parti de France.

On peut établir un premier constat : la répartition des sièges à l’Assemblée ne reflète pas les résultats des élections (la proportionnelle départementale aurait amené 77 députés du FN à l’Assemblée…). Cela ne nous surprend guère et nous conforte dans notre lutte contre ce système prétendument démocratique.

La deuxième constatation, qui doit nous faire réfléchir dans le cadre de notre lutte, est que plus de la moitié des électeurs cautionnent la politique du gouvernement Juppé ainsi que les fameuses lois scélérates. En effet, dans un sondage réalisé en même temps que le deuxième tour des législatives, seulement 13 % des sondés se sont prononcés pour l’abrogation des lois Pasqua-Debré. On assiste à un glissement de l’électorat de plus en plus significatif vers un populisme plus ou moins libéral : le FN progresse tranquillement mais sûrement, des gens de tendances nationalistes et populistes comme Madelin ou Chevènement deviennent incontournables ; même la droite a « sentis ce glissement et se propose d’élire Seguin à la tête du RPR ! Le PS a depuis longtemps éliminé ses idéologues comme Rocard pour laisser la place à des Lang et autres Strauss-Khan.

On peut noter qu’il y a un peu plus de dix millions d’électeurs (attention, ici ne figure que le nombre de gens inscrits !) qui se sont abstenus et si on ajoute à ce nombre celui des votes blancs, il y a à peu près douze millions d’électeurs qui ne cautionnent aucun parti que ce soit de droite ou de gauche et qui ne votent pas FN pour autant.

De cela, on peut tirer deux conclusions importantes.

Il y a un glissement populiste de l’électorat qui demande un renforcement de l’État, un repli sur la nation et donc un rejet des « autres », l’immigré ou l’européen (beaucoups cautionnent les lois Pasqua-Debré, qu’ils soient de droite ou de gauche).

L’autre conclusion, qui nous intéresse directement, est ce potentiel de douze millions de personnes qui peuvent être attirées par les idées libertaires. Là est peut-être l’avenir de notre mouvement.

Les stratégies déclarées par la Fédération anarchiste lors de son dernier congrès ont à prendre en compte ces dernières données : d’une part les idées du FN ainsi que celles du libéralisme progressent dans l’électorat et d’autre part le plus grand parti de France est celui de l’abstention.

Lorenzo


[1Le Monde du 5 juin 1997.

[2Minitel 36 15 TF1.