Le Monde libertaire a connu des numéros importants. Celui-ci en est un.
Commençons par un bref rappel historique de ce qu’a été, jusqu’à ce jour, la vie de l’hebdomadaire de la Fédération anarchiste.
Le Libertaire, première version, est créé en 1858 aux États-Unis, par Joseph Déjacque, écrivain et journaliste réfugié après le coup d’État du 2 décembre 1851 de Napoléon le Petit. Il paraît jusqu’en 1861. Le 16 novembre 1895, Sébastien Faure et Louise Michel reprennent la parution en France jusqu’en février 1899 où l’hebdomadaire est remplacé par un quotidien : Le Journal du peuple. Celui-ci, qui se consacrera surtout à l’affaire Dreyfus et au procès de Rennes, paraîtra jusqu’en décembre 1899. À partir d’août de la même année, Le Libertaire « illustré » paraît une fois par semaine comme supplément au quotidien. À l’arrêt de ce dernier, il continuera sa vie jusqu’en août 1914 où ses positions antimilitaristes l’obligent à cesser sa parution, après 960 numéros. Reprise en 1919 et sans interruption jusqu’en 1939, la parution doit s’arrêter avec la guerre. Entre-temps, de décembre 1923 à mars 1925 (notamment pendant l’affaire Sacco et Vanzetti), Le Libertaire sera quotidien. Le 21 décembre 1944, le journal reparaît une nouvelle fois d’abord de façon irrégulière puis bimensuelle suite aux restrictions de papier. Il reprend son rythme hebdomadaire à partir d’avril 1946.
En 1954, suite à une crise organisationnelle, Le Libertaire change de titre et devient Le Monde libertaire. La crise a été dure, et il devient mensuel. Depuis 1945, collaborent alors Brassens qui sera l’un des premiers permanents du journal , Ferré, Breton, Camus… En 1977, Le Monde libertaire redevient hebdomadaire, ce qui est toujours sa « vitesse de croisière » aujourd’hui.
L’historique est sommaire, sans doute, et si l’envie nous démange de nous attarder davantage sur la vie du journal, ses tumultes, ses moments de gloire, de douleurs parfois, la place nous manque, hélas. Du reste, notre propos n’est pas là. Car, sans pour autant négliger les choses du passé, notre regard se porte irrésistiblement vers l’avenir. La fougue des anarchistes qui, avant nous, ont porté le journal, l’ont nourri de leur esprit de révolte et de leurs espérances, cette fougue demeure.
Aujourd’hui, nous faisons ce pari inédit depuis la naissance du Libertaire : celui d’un hebdomadaire de 24 pages en couleurs, dont ce numéro hors série est, en quelque sorte, le « prototype ». Pour être tout à fait clair, le prochain numéro du Monde libertaire hebdo (le nº 1302, qui paraîtra le 9 janvier 2003), de même que les suivants, se présenteront exactement comme celui-ci : même format, même pagination, la quadrichromie, et… toujours le même prix !
Pourquoi une telle métamorphose ?
Tout d’abord, le format. Jusqu’à présent, Le Monde libertaire, hebdomadaire au contenu majoritairement constitué d’articles de réflexion et d’analyses rétrospectifs et prospectifs, était imprimé comme un quotidien, un format tabloïd sur presses rotatives. Il y avait là, sans que cela nous gêne outre mesure, une légère incohérence entre le fond et la forme. Mais c’était notre bon vieux Monde libertaire, et, ma foi, nous ne nous étions jamais sérieusement interrogés à ce sujet. Depuis, et pour des raisons essentiellement techniques (liées à un transfert de fabrication), la question s’est posée. Nous avons fait le choix d’un format un peu « hybride », entre le tabloïd et le magazine, un format assez atypique dans le milieu de la presse diffusée en kiosques. Mais Le Monde Libertaire n’est-il pas un journal atypique, justement ?
La couleur, ensuite. Force est de constater que, dans la presse contemporaine (même gratuite), la quadrichromie domine. Devions-nous laisser notre journal dans la niche du noir et blanc où, malgré tous nos efforts de maquettistes amateurs, Le Monde libertaire luisait avec l’éclat des vieilles choses ? Devions-nous laisser à la presse bourgeoise l’apanage de la quadri ? Et, chose plus importante encore, Le Monde libertaire ne mérite-t-il pas de bénéficier des progrès techniques réalisés dans le domaine de l’imprimerie ? Il est vrai que ces derniers ne sont pas à la portée de toutes les bourses, et il y a quelque temps encore, l’idée même de réaliser notre journal en couleurs nous apparaissait comme une belle utopie. Aujourd’hui, nous y voilà. Comme quoi, les utopies… Et puis, Le Monde libertaire n’est-il pas devenu encore plus agréable à lire, tout simplement ?
Cela dit, qu’on se rassure : la métamorphose du journal, si elle est considérable, n’en touche que la forme. Le fond, lui, reste le même. Plus que jamais, Le Monde libertaire demeure l’hebdo des anars, un vecteur d’informations et de réflexions ouvert à tous les débats et toutes les problématiques qui animent le mouvement libertaire, réceptif à toutes les contributions (littéraires, artistiques, graphiques…) qui reflèteront les innombrables nuances de la sensibilité anarchiste. Oui, Le Monde libertaire restera ce journal qui donne du sens à nos indignations, qui porte notre révolte et dévoile nos espoirs.
Nous espérons que cette nouvelle mouture du Monde libertaire vous plaira.
Bonne lecture ! Et à bientôt…