Unité ! Tous ensemble ! criait-on dans les cortèges de ce 1er Mai. Il est vrai que les chroniqueurs, dont les documentations sont tenues bien à jour, ne se lassaient pas de nous répéter que, depuis quatorze années, les manifestations et les réunions organisées à l’occasion du 1er Mai n’étaient plus unitaires. Que s’est-il donc passé de si grave, ou de si déterminant, pour réunir ceux que divisaient hier les meilleures raisons du monde ? Serait-ce la conscience claire que la coupe est pleine, et au-delà ? Que la précarité des emplois, la dégradation des conditions de travail et la dislocation des garanties contractuelles atteignent aujourd’hui un degré tel qu’il faut que cette dégringolade s’arrête. Ce 1er Mai sera-t-il marqué plus tard comme le commencement de la contre-offensive, comme un avertissement aux conseils d’administration et aux palais gouvernementaux ? Il suffit que le peuple, le prolétariat, le salariat s’assemble pour qu’il soit formidable !
Ceux qui ont opéré, il y a quatorze ans, en 1983, la division de la gauche parlementaire - c’est-à-dire le parti socialiste et le parti communiste - réussiraient ainsi, aujourd’hui et demain, la main sur le cœur, à rétablir la confiance, à retrouver l’allant, à restaurer le rapport de forces d’un mouvement social dont ils préserveraient l’autonomie…
Foutaises, bien sûr ! Le pacte de non-agression entre les candidats de gauche à la gestion de la république capitaliste ne durera que l’espace d’un court printemps électoral. Il s’agit de faire patte de velours pour attirer le chaland dans l’isoloir. Puis la guerre des maroquins ministériels et des prébendes reprendra de plus belle !
Allons, compagnons, pour quelques semaines, rentrons la tête dans les épaules. Lorsque la triste farce est finie et les bulletins de vote balayés vers les incinérateurs, c’est notre heure qui vient, à nous les anarchistes : Purs de de toute ambition, prodigues de nos forces, prêts à payer de notre personne, consentons à poursuivre plus activement, plus méthodiquement et plus obstinément que jamais l’œuvre d’éducation morale, administrative et technique pour rendre viable une société de femmes et d’hommes libres.