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« La Culture libertaire » Collectif

Le dimanche 4 mai 1997.

En avril 1997, l’Atelier de création libertaire a édité un livre qui devrait faire date dans l’histoire de la production écrite anarchiste : La culture libertaire [1].



Réunis en un volume dense (469 pages), ces contributions au colloque international de mars 1996 à Grenoble s’interrogent sur l’existence d’une culture libertaire et sur ce qui — dans l’hypothèse où elle en aurait une — ce qui en constituerait les fondements.

La principale difficulté pour parler de ce livre vient de sa richesse. En fait, une critique effective consisterait en autant d’articles qu’il comprend de contributions, ce qui reviendrait, en fait, à la rédaction d’un autre ouvrage, d’égale épaisseur.
Même si certains textes demandent pour être bien compris des connaissances techniques « pointues » — je pense en particulier à « L’Anarchisme et le droit : recherches » (p. 95-102) de Philippe Garnier, qui ne déparerait un bulletin de la NEF [2] ni par le ton, ni par le contenu que son titre ne laisse que peu présager, il n’en reste que les auteurs ont tenté avec réussite, d’exprimer dans un langage accessible au plus grand nombre des notions dont la clarté n’avait rien d’établie.

Je regrette, malgré tout le bien que je pense de ce bouquin, que certains auteurs aient limité la portée de leur réflexion en s’accrochant trop au passé sans ouvrir leur discours sur ce qu’il y a de vivant dans l’anarchisme. En particulier, l’article de Gaetano Manfredonia, « Chansons et identité libertaire : de l’anarchisme historique à l’anarchisme "rêvé" » (p. 257-276), s’il présente toutes les qualités d’un travail d’historien et présente des éléments de réflexions appréciables sur la relation anarchisme — chanson, ne laisse aucune place à l’actualité musicale et semble méconnaître les apports des auteurs contemporains, qu’il s’agisse des anarcho-punks ou d’autres, aux harmonies plus classiques (comme Léo Ferré, pour ne citer que lui).

J’ai d’autant plus apprécié la contribution de Philippe Pelletier, « Culture anarchiste et culture orientale » (p. 225-256), qu’il était temps de préciser ce qui différenciait les pensées taoïste et bouddhiste zen de l’anarchisme. La confusion entretenue par des auteurs par ailleurs respectables portant, de mon point de vue, préjudice autant aux unes qu’à l’autre.

Mais, à n’en citer que quelques uns, je ne rends pas correctement justice aux participants au colloque. En fait, chaque texte ici présenté justifie en soi la publication d’une brochure et l’Atelier de création libertaire nous offre un livre comme il s’en édite peu et qui mérite de figurer dans toutes les bibliothèques, anarchistes ou non, en réactualisant la réflexion sur la culture libertaire, voire en faisant émerger de nouvelles interrogations.

Pour finir, et afin de donner un aperçu de la qualité des textes et de la tenue des réflexions, j’extrairai de la contribution de Claire Auzias, « Qu’est-ce qu’une culture libertaire ? Comment se transmet-elle » (p. 383-395) un court passage : « La culture libertaire, c’est l’ensemble de la vie des libertaires, leurs productions en toutes choses, leurs rêves, leurs chansons et journaux et maisons d’édition et revues, c’est leurs grèves comme leurs casses des vitrines marchandes sur le campus, c’est leurs réunions et meetings, leurs choix privés comme publics ou leurs non-choix, c’est leurs manières de conjuguer en un mot leur volonté d’émancipation avec la réalité du monde environnant, leurs rapports entre eux et avec les autres ; la culture libertaire, c’est la vie des libertaires. » (p. 387)

Alain L’Huissier


Aux éditions de l’Atelier de création libertaire (ACL).


[1La culture libertaire, A.C.L., 1997. 130 F. En vente à la librairie du Monde libertaire.

[2Nouvelle école freudienne. Un groupe de psychanalystes inspirés par Lacan.