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Amalgames ignominieux

Le jeudi 8 mai 1997.

« Le particularisme alsacien nourrit l’extrême droite », écrit sans ciller Marcel Scotto dans Le Monde des 30 et 31 mars 1997. Le plumitif du quotidien du soir entonne en karaoké un des tubes composés par certains intellectuels ou prétendus tels. Dans le numéro de la revue trimestrielle Saisons d’Alsace [1], sorti à l’automne 1995 et intitulé « Réinventer l’Alsace », Philippe Breton, chercheur au CNRS et collaborateur au Monde diplomatique (tiens, tiens !), stigmatise, en se répandant en généralisations aussi partielles que partiales, le « repli identitaire ranci…, un tabou qui exposera aux pires foudres celui qui voudra le lever ».

En septembre 1974, des artistes et des militants sociaux autogestionnaires avaient lancé le Front Culturel Alsacien, lequel intervint régulièrement durant les luttes contre le nucléaire et les pollutions industrielles. Comme bien d’autres, ils souscrivirent à cette interrogation fondamentale de l’écrivain-poète André Weckmann dans Fonse ou l’éducation alsacienne [2] : « Est-ce que vous croyez, vous qui êtes au pouvoir, qu’une seule révolte dans une vie, cela suffit ? ». Armand Peter, le dessinateur Raymond Piéla et quelques potes créèrent, au printemps 1975, une revue, De Budderflade (La Tartine de beurre) qui s’interrompit à l’automne 1980 après 18 numéros d’excellente facture. André Weckmann précisa dans le numéro 6 du 3e trimestre 1976 que Marckolsheim, Wyhl et Kaiseraugst posèrent les premiers jalons d’une « prise de conscience de l’alémanicité contestataire ». Le 26 mai 1976 avait eu lieu à Fribourg le premier Alemannenforum, « naissance de l’Internationale alémanique ».

Le 26 mars 1997, le collectif Identité et liberté, de concert avec les associations Ouï lire, L’Atelier alsacien, Culture et bilinguisme d’Alsace et Moselle et Mitteleuropa, invita au Foyer des Étudiants Catholiques à Strasbourg des écrivains, poètes et chanteurs pour une soirée de « lectures alsaciennes contre le racisme et la xénophobie », hélant une amie rendue célèbre par Khaled, « Aïcha, Aïcha, écoute-moi… » (« Eichele héer emol »). Trois jours plus tard, dans le cortège qui serpenta de l’Étoile à Broglie, leur banderole fit flotter dans le vent deux revendications : « Identité alsacienne », « Droit de vote aux immigrés ». Comme une réponse aux honteuses allégations des idéologues-bulldozer et le rappel d’une des innombrables promesses non tenues !.. Mais selon Bernard Reumaux, le directeur de Saisons d’Alsace et dont la biographie ne serait pas exempte de taches brunes, l’audience du FN atteste « l’émergence d’un discours régionaliste à consonance identitaire quasi ethnique, de type Blut und Boden ». Les procureurs jacobins à l’antigermanisme délirant font la pluie et le beau temps dans le paysage médiatique alsacien. Jusqu’à quand ?..

R.H.


[1Éditions La Nuée Bleue à Strasbourg, donc les quasi monopolistiques Dernières Nouvelles d’Alsace.

[2Roman réédité en 1983 chez BF Éditions :
14, rue Sainte-Hélène
67000 Strasbourg