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Ni poulet ni délateur !

Le jeudi 26 février 2004.

Projet de loi, contrats locaux de sécurité et protocoles divers… Plus ça va et plus les autorités demandent à tout un chacun de se convertir en balance, à commencer par les travailleurs sociaux. Le chat est en colère, que les poulets de tous horizons le sachent !



À la demande du Conseil général de la Savoie, un protocole de concertation a été signé entre l’Association savoyarde de sauvegarde de l’enfance et de l’adolescence au titre de la prévention spécialisée et la police et la gendarmerie, exigeant que les travailleurs sociaux collaborent avec les forces de l’ordre en signalant les actes de délinquance dont ils auraient eu connaissance.

Dans le même temps, un projet de loi contre la délinquance que présente Sarkozy, va dans le même sens puisqu’il prévoit que les travailleurs sociaux ont pour mission d’indiquer aux autorités (le maire) les enfants et les familles qui présenteraient des problèmes d’ordres financiers, scolaires, familiales.

La volonté d’impliquer les services sociaux dans un processus de délation et de criminalisation des actes hors normes et de difficultés sociales n’arrive pas par hasard.

Où est l’insécurité ?

Elle vient de l’augmentation et de l’enracinement de la précarité, licenciements massifs, harcèlement des salarié.e.s, restriction de l’assurance du chômage, de la flexibilité par le patronat et l’absence d’avenir pour une majorité de jeunes. L’insécurité est permanente pour ceux et celles qui ne savent pas comment finir le mois, payer le loyer, les études des enfants, pour celles et ceux qui ne savent pas où loger et de quoi demain sera fait. Avec un cynisme impitoyable, les représentants d’une minorité de privilégiés s’attaquent au minimum vital de millions de travailleurs et de chômeurs. Les pauvres financent les baisses d’impôt des riches afin de favoriser la course aux profits.

Au 1er janvier, plus de 250 000 chômeurs se retrouvent en fin de droits, l’instauration du RMA fournit une main-d’œuvre quasi gratuite au patronat et place sous tutelle ce nouveau servage sans droit de travail (pas de droit de grève, ni de cotisation retraite, etc.). Le démantèlement du Code du travail, la liquidation des retraites, la réduction généralisée des emplois dans la fonction publique, les licenciements qui se multiplient, la privatisation des services publics, voilà les causes de l’insécurité et de la violence sociale qui sont à dénoncer.

Justice ?

Le discours sécuritaire et la répression policière distinguent deux formes de délinquance. D’un côté, la délinquance engendrée par la pauvreté, celle qui vise les classes populaires. Ce sont les infractions et les incivilités qui se posent en rupture avec la paix civile, rupture souvent plus matériel que politique qui menace la propriété privée avant les personnes.

Il ne s’agit pas de minimiser les agressions racistes ou sexistes mais d’analyser les causes réelles et d’y travailler.

De l’autre, la délinquance financière émanant des dirigeants politiques qui ne semblent pas bien inquiétés, ce sont les pratiques de maximisation des logiques de profits qu’elles soient spéculatives ou d’exploitation. Il en va ainsi des infractions permanentes à la législation, aux normes de protection de l’environnement. La délinquance politico-financière gangrène tout.

Ces deux formes de délinquance ne sont pas jugées de la même manière. C’est le constat que des juges ont fait. Les gens qui détournent des sommes considérables échappent à tout jugement ou parfois écopent de peines insignifiantes. Pendant ce temps, le voleur de nourriture prend souvent du ferme.

Juger différemment les délinquances, c’est désigner des populations cibles reprenant le discours d’extrême droite. La loi sur la prévention de la délinquance renforce cette désignation. La classe populaire redevient la classe dangereuse, qu’il convient de discipliner, voire d’emprisonner. Cette stratégie vise à instaurer un climat de peur afin de diviser les classes populaires et de permettre un contrôle violent sur celles-ci.

La délation !

Le projet de loi sur la prévention de la délinquance saccage par des amendements le Code de l’action sociale et de la famille. C’est une attaque en règle de la protection sociale, de la protection de l’enfance et de la solidarité :

Le chapitre v de ce projet de loi institue la délation comme principal outil des intervenants sociaux : « Tout professionnel qui intervient au bénéfice d’une personne présentant des difficultés sociales, éducatives ou matérielles est tenu d’en informer le maire de la commune de résidence ou la personne désignée aux fins de le substituer. »

Enseignants, personnels communaux, ou associatifs, éducateurs, nous sommes tous concerné.e.s. Nous refusons d’être des indics et des délateurs. Nous refusons de devenir les contrôleurs des populations pauvres et précarisées.

Solidarité interprofessionnelle

La CNT estime qu’il faut aller plus loin que la simple défense d’une profession mise en danger dans son éthique professionnelle. Si nous, travailleurs sociaux sommes directement menacés dans l’exercice de notre travail, ne nous laissons pas enfermer dans une défense catégorielle et corporatiste face à un enjeu qui est aussi un choix de société.

De nombreux salariés notamment syndicalistes, sont aussi concernés par la répression patronale et étatique. Toutes les catégories sociales défavorisées sont la cible de la politique sécuritaire. Ne nous laissons pas piéger dans un problème sécuritaire qui est celui du pouvoir pour isoler et nous diviser en opposant les individus dans un climat de terreur. Nous devons refuser la division des catégories de travailleurs sociaux.

Les objectifs immédiats sont le retrait du projet de loi Sarkozy sur la délinquance et l’abrogation des protocoles en cours.

La mise en place de convergences de réflexions et de luttes interprofessionnelles est une nécessité vitale contre la division et l’étouffement des voix discordantes. Face à l’individualisme partout vanté et monté en épingle par le capital contre la solidarité, la CNT affirme au contraire que la solidarité est la seule alternative à ce système mortifère.

Nous voulons le respect du secret et de l’engagement éthique des professionnels, le droit au respect et à la dignité pour les familles. Non à la délation ! Oui à la satisfaction des besoins de tous et de toutes.

CNT, Santé-social RP et Fonction publique et assimilés


Manifestation — Paris — 17 mars