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Belgique

Errances d’un syndicat socialiste

Le jeudi 1er avril 2004.

On n’entendait pas une mouche voler, pas même une mouche syndiquée, lorsque Mia De Vits a annoncé lundi 8 mars qu’elle quittait la présidence de la Fédération générale du travail de Belgique pour mener la liste du Parti socialiste flamand (SPA) aux élections européennes.

Cette nouvelle confirme les rumeurs de départ qui couraient depuis un mois et demi. Elle jette surtout une lumière crue sur la docilité du syndicat socialiste belge, notamment face au SPA. Le départ de De Vits n’a qu’un effet de loupe : depuis les élections de mai 2003, la FGTB, syndicat minoritaire en Flandre, dispose d’un parti de même obédience au gouvernement… Un parti dont il convient de ménager la susceptibilité. Un chien ne mord pas la main qui le nourrit.

Et, pourtant, il y aurait de quoi montrer les dents. Le SPA — avec l’aval des socialistes francophones — renforce les contrôles humiliants des personnes sans emploi. Ainsi, après dix-huit mois de chômdu, il faudra désormais prouver sa recherche « active » d’un emploi, lettre de candidature en main. Sous peine d’être exclu du droit à une allocation de chômage.

La passivité du syndicat socialiste dans ce dossier est d’autant plus flagrante que, tandis que le ministre SPA de l’Emploi Frank Vandenbroecke renforce la précarité de nombreux demandeurs d’emploi, son collègue libéral des Finances, Didier Reynders, encourage l’amnistie fiscale pour les grosses fortunes planquées à l’étranger. Sans parler de l’avarice du gouvernement à l’égard des allocations sociales.

On sait ce qu’il faut penser du SPA et du peu de cas qu’il fait des travailleurs. Non content de proposer un projet antisocial, il déstabilise un syndicat frère à la veille des élections sociales. Le SPA risque d’attiser les tensions communautaires de la FGTB. Car le départ de Mia De Vits donne de l’assurance à l’aile sociale-démocrate flamande du syndicat, face une aile wallonne — plus marquée à gauche et accusée par l’ex-présidente de « ne pas se moderniser assez vite, de trop s’accrocher aux droits acquis ». La FGTB parlera-t-elle encore d’une seule voix ou s’enlisera-t-elle dans des conflits linguistiques et politiques ? Le syndicat aura-t-il toujours la force de tenir tête aux partis flamands qui souhaitent la scission des soins de santé sur base régionale, sous prétexte que la Flandre « entretient » une Wallonie paupérisée ? Indirectement, le SPA ouvre une brèche dans la solidarité.

Les travailleurs n’ont rien à attendre des partis. Lors des élections régionales du 13 juin, ils choisiront, au pire, qui leur donnera des coups de crosse ; au mieux, ils désigneront l’adversaire le plus facile à contourner. La énième trahison des socialistes rappelle que c’est au quotidien, dans nos boulots, dans nos loisirs et pas dans l’urne que se construit l’égalité sociale et économique.

Au rayon orga syndicale et élections sociales de mai, le transfert de Mia De Vits devrait suffire à réveiller un syndicat anesthésié à coups de compromis et, espérons-le, à renouer avec un syndicalisme d’autogestion et de combat. Les accointances avec les partis ont montré une fois de plus leurs limites. Les scandales, les malversations qui ont émaillé la vie de la FGTB, ces dernières années, disent également la confiance que les travailleurs doivent placer dans les délégués permanents…

Quant à Mia De Vits, pour reprendre un mot digne d’un surréaliste belge : « Ceci n’est pas une syndicaliste. »

Hertje, groupe Ici et maintenant, Bruxelles