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Rentrée des classes

grosse promo pour les trusts
Le jeudi 11 septembre 1997.

Septembre, rentrée des classes, grosse promo pour les trusts de la distribution de produits et d’idées. Les rayons de supermarchés, les médias nous le répètent : « c’est la rentrée ! ». À coup d’enquêtes et de sondages, on nous dit combien débourser pour être de bons parents. Pour que les mômes aient dans leurs cartables un minimum de superflu, surtout « super-fluo ». L’école publique, laïque se dit vigilante quant au « prosélytisme » de certaines religions. Elle l’est moins vis-à-vis du patronat qui vient demander à la nation les produits diplômés, spécialisés dont il a temporairement besoin.

L’État ne dispose pas que de l’école pour inculquer ses valeurs aux enfants des classes exploitées. Aidé de la religion, il a toujours trouvé, entre autres, un relais dans la cellule familiale pour dresser les fils et filles de la nation. Au fil des siècles, le droit de vie et de mort qu’avait le père sur sa progéniture s’est progressivement perdu. L’État, lui, a de plus en plus une prise directe sur chacun des individus vivant sur le territoire qu’il contrôle. Le fichage et le taxage se sont développés au rythme des évolutions technologiques.

Aujourd’hui, des parents, des adultes, sont déstabilisés par une précarité grandissante. Usés par la flexibilité de l’emploi, par les difficultés grandissantes à se rendre sur les lieux de travail. D’autres sont dévalorisées par leur condition de chômeur quand on leur a mis dans le crâne durant leur enfance que : « le travail, c’est la santé ! ». D’autres sont exilés, par le fait d’une mutation les éloignant de leurs proches. D’autres sont réduits à l’état de mendiants et doivent attendre pour survivre leur revenu minimum.

L’État et le capital, laminant les adultes, ont fait place nette, aidés des médias, pollué l’esprit des générations nouvelles. Si celles-ci ne trouvent plus assez d’adultes disponibles, créatifs à qui se confronter, Big Brother est là, tapis dans l’angle d’une pièce. Valium pour tous ? Non ! La télévision est là pour rassurer, motiver, endoctriner.

Les enfants, les adolescents, angoissés par l’absence d’adultes sereins, trouvent dans la télévision l’occasion de compenser, de régresser, de téter de l’image et du son. Ils gavent alors toutes sortes de clichés sur les rôles normatifs auxquels on les prépare.

Les jeunes issus des milieux les plus défavorisés sont privés de lieux de vie décents, d’espaces de création. Leur accès à la culture se résume souvent au fait de regarder la télé. Ils trouvent aussi passivement, accrochés au tube cathodique, de « l’évasion » dans les jeux électroniques où on leur stigmatise le goût de la combativité, de la compétition. Ils n’ont, trop souvent, de pouvoir d’agir que sur le virtuel. Ils n’ont, la plupart du temps, comme adultes à qui se référer que les héros du petit écran. Nous avons peur de voir un jour des générations de clones ; peut-être verrons-nous auparavant des générations de psychotiques !

Des parents, angoissés par l’avenir incertain auquel peuvent prétendre leurs enfants, ne trouvent plus de réponses à leur donner. Beaucoup de jeunes sentent en eux et autour d’eux le vide. Les trusts aidés des publicitaires sont là pour combler ce vide. Ils s’adressent à des consommateurs de plus en plus jeunes et font, en les culpabilisant, cracher leur parents.

En Adidas ou en Fila, les fils de pub sont tous nikés !

Les banques ouvrent des comptes à des pré-adolescents de plus en plus jeunes. Partout dans les médias, la même litanie : consommer et paraître ! Une jeunesse placée dans cette détresse, ce vide affectif, dans ce manque de créativité, face aux agressions dont elle est quotidiennement victime, arrive parfois à s’exprimer dans la violence. On ne peut s’en étonner quand c’est là le seul espace d’agir qui lui soit laissé : destruction ou autodestruction. Cette violence sera de toute façon récupérée par l’État pour renforcer et argumenter ses opérations sécuritaires.

Éduquer n’a pas de sens pour le Capital, il n’a pas besoin d’humains épanouis. Il ne lui faut pas des êtres acteurs, il lui faut des êtres soumis, dépendants, passifs. Un jeune a de moins en moins de pouvoir d’agir, d’autonomie, et on lui met tôt en tête qu’il faut, pour entrer sur le marché du travail savoir se vendre. L’esclave n’aurait-il plus besoin de maître pour être vendu ? Le maître serait-il dans sa propre tête ?

Rentrée des classes ! L’Éducation nationale se dit prête à prendre des mesures pour lutter contre la violence, le sida. Elle ne dit pas avec quels moyens. La violence vient de la misère. Assez de baratin ! Les médias nous ont saturé pendant des jours sur la venue d’un pape qui laisse s’étendre le sida et la mort. Assez d’hypocrisie ! Alors au plus vite la rentrée dans la lutte des classes exploitées, pour l’accès à l’humain des jeunes et des moins jeunes.

Alain
groupe Kronstadt (Lyon)