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Centrale nucléaire du Carnet : marche arrière de l’État

Le jeudi 2 octobre 1997.

Le combat contre l’implantation d’une centrale nucléaire en Bretagne a-t-il été gagné ? C’est ce que certains seraient tentés de croire après l’annonce par Jospin de son souhait de voir l’estuaire de la Loire être préservé des appétits des nucléocrates ; or, il reste nombre d’hypothèques à lever pour que les antinucléaires locaux soient totalement rassurés.

Les raisons d’un refus

Les raisons de s’opposer à ce projet étaient multiples : il y avait évidemment le danger que représentait en tant que tel le nucléaire et ses déchets, danger renforcé par la proximité des agglomérations nantaise (à 30 km) et nazairienne (18 km) ; ajoutons la présence de cinq entreprises relevant de la directive Seveso dans un rayon de 15 km, dont un terminal méthanier ; et bien sûr, le fait que ce projet mettrait à mal un site magnifique. De plus, au niveau national, la production électrique demeure largement excédentaire tandis qu’au niveau local, la centrale de Cordemais toute proche ne fonctionne que lors des périodes de forte consommation ! Bref, économiquement, ce projet ne se justifiait même pas !

Du rififi chez les antinuc’

La première manifestation d’ampleur organisée sur le site a été un succès et a mis en avant une fracture nette au sein des différents mouvements mobilisés sur cette question. Tandis que diverses organisations faisaient les yeux doux au PS, lui permettant même de venir parader lors des manifestations, alors qu’il restait un défenseur zélé du lobby nucléaire hexagonal, d’autres, des comités d’habitants, dans lesquels la présence des militants libertaires a été importante, mettaient en avant leur refus des logiques politiciennes et leur souhait de construire un rapport de force clair et net face à l’État et à EDF.

Pour les libertaires mobilisés sur cette question, l’enjeu était évident : il s’agissait d’arracher à la gauche socialiste et environnementaliste la conduite du mouvement et, tout en inscrivant le combat antinucléaire dans le cadre de la lutte anticapitaliste et anti-étatiste, de travailler à la base, au sein des comités locaux, afin que ceux-ci restent maîtres de la stratégie à mener, loin des calculs politiciens et des recompositions. Affirmer que tout fût rose au sein des comités locaux serait une absurdité : par contre, ces comités se sont révélés déterminants dans la montée en puissance du mouvement antinucléaire.

Le coup de force de juin

C’est ainsi que début juin, alors que pour beaucoup sonnait l’heure d’aller glisser un bulletin dans l’urne (c’était le deuxième tour des législatives), les comités d’habitants de la Fédération antinucléaire organisèrent un énorme week-end festif et militant sur le site même du Carnet. Près de 50 000 personnes se sont rassemblées pour écouter les musiciens, passer de stand en stand et se donner la main pour une impressionnante chaîne humaine (30 000 personnes). Comme à Plogoff et au Pellerin vingt ans plus tôt, la population de Bretagne témoignait une nouvelle fois de son refus de la technologie nucléaire !

Cette victoire des antinucléaires a fait grincer de nombreuses dents, notamment dans certaines officines politiques. Les drapeaux noirs et rouges flottant au vent sur la grande scène attisèrent encore plus leur colère, elles qui, durant plusieurs semaines, multiplièrent les fausses nouvelles et les provocations afin que ce rendez-vous soit un bide total. Sans cette mobilisation, il est douteux que Voynet ait pu obtenir de Jospin qu’il repousse le projet d’EDF. Cela renforce notre volonté de lutter encore et encore au renforcement des liens entre population rurale et citadine, de nous battre contre les volontés de mise sous tutelle des mouvements par des policiers.

Reste qu’il ne sert à rien de crier victoire trop tôt. Le déplacement du projet vers l’Allemagne (car c’est ce qui se susurre) ne doit pas nous soulager, mais nous pousser à développer, au-delà des frontières, des liens entre groupes en lutte ; enfin, il est à craindre que cette reculade gouvernementale se paie, ailleurs, par la construction d’une centrale sur un territoire moins hostile que la Bretagne ou par le développement en Basse-Loire de la filière gaz.

Kittu Patxi
cercle Bakounine


Les personnes intéressées peuvent obtenir un bilan politique (très bon) et financier (très mauvais) du week-end de mobilisation antinucléaire en écrivant à : FAN 44 c/o Le Local, 16, rue Sanlecque, 44000 Nantes.