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Top 500

Le jeudi 20 novembre 1997.

Tout ne va pas si mal pour certains, la preuve : le magazine américain Forbes nous apprend que notre planète compte cette année 500 milliardaires, soit 53 de plus qu’en 1996… En tête de ce hit très particulier, on trouve l’inamovible Sultan de Brunei, avec 38 milliards de dollars ; le Brunei, pour ceux qui auraient quelques lacunes en géographie, est un minuscule état en haut de l’île de Bornéo (Indonésie), dont le sous-sol regorge de pétrole, en gros le Koweït de l’Asie du Sud-Est. C’est donc assis sur une montagne de barils que ce souverain contemple celui qui le talonne de près avec 36 milliards de dollars, Bill Gates, M. Microsoft, nouveau gourou planétaire du libéralisme et de la liberté de communication (à condition d’utiliser le matériel qu’il vend), liberté qui s’arrête curieusement aux portes de ses entreprises quand il s’agit de syndicats (même si ce sont des internautes ?). Il serait fastidieux de citer toute la liste des nababs, vous vous doutez bien qu’on y trouve des têtes couronnées comme la reine d’Angleterre, [celle] des Pays-Bas ou bien la famille royale d’Arabie Saoudite, [celle] du Koweït (visiblement le pétrole reste une valeur sûre), pas mal d’américains (soixante), et bien entendu le seul mérite de beaucoup de ces gens-là est… d’avoir hérité !

Cocorico !

La France n’est pas en reste : onze de nos chers (c’est le mot !) compatriotes sont sur cette liste. Classée vingt-cinquième avec 8,4 milliards de dollars, au cours actuel plus de 50 milliards de francs, excusez du peu, Liliane Bettencourt tient depuis des années la dragée haute face aux parvenus qui lorgnent la première place hexagonale. Héritière, elle aussi, de L’Oréal et d’un beau paquet d’actions Nestlé, son papa chimiste a été très généreux avec sa fille, gentillesse qu’il a notoirement aussi étendu à des collabos après la guerre, son Conseil d’administration en ayant été le refuge douillet pour nombre d’entre eux (nostalgie du Zyklon B ?). Trente-deuxième mondiale, la famille Mulliez, avec 7 milliards de dollars : ce sont les caissières d’Auchan avec leurs salaires de misère et leurs horaires déments qui vont être contentes. Nul doute qu’elles vont travailler en acceptant encore plus de précarité, pour permettre à leur patron de monter encore plus haut dans le classement ! Pas à plaindre non plus, les héritiers (encore !) Seydoux-Schlumberger : avec 5,3 milliards de dollars, il y a de quoi voir venir. Le grand copain de Chirac et du RPR, François Pinault, ne s’en tire pas trop mal : 3,6 milliards de dollars. Inutile de préciser, n’est-ce pas, que c’est la crise et qu’il faut que les salariés se serrent la ceinture parce qu’il y a trop de charges, que les prestations sociales sont trop élevées, qu’il faut de la rigueur et de la flexibilité pour maintenir l’emploi et la compétitivité, etc. Le discours que ces salauds et leurs valets osent nous tenir, hé bien qu’ils montrent l’exemple et qu’ils se l’appliquent à eux-mêmes en attendant qu’on leur botte le cul une bonne fois pour toutes !

Les joies de l’anti-impérialisme

Intox ou réalité, (il faut s’attendre à tout !) le Lider Maximo du pays du socialisme réel, phare mondial de l’anti-impérialisme, le camarade Fidel Castro, est crédité d’une fortune de 14 milliards de dollars ! Alors que le peuple cubain souffre des conséquences et de l’embargo américain et de l’incompétence, de la bêtise, de la cruauté d’une bureaucratie marxiste-léniniste incapable, que Cuba s’enfonce dans la misère, que les besoins sociaux ne sont pas satisfaits, ce salopard aurait mis de coté une petite fortune personnelle, sans doute pour ses vieux jours. Il ne fait pas confiance au merveilleux système de retraite cubain ou quoi ? Et ce magot, il est planqué où ? En Suisse, ou, c’est moins loin, dans un paradis fiscal des Caraïbes ? Et ce fric, d’où vient-il ? Détournements de fonds, trafic de drogue ou commissions sur ventes d’armes ?

Le militant communiste qui quête pour « un bateau pour Cuba » s’interroge et cherche fébrilement une réponse, qui tarde à venir dans L’Huma ! Saddam Hussein, lui, il se débrouille mieux que le Barbudo : cinq milliards de dollars ; bon, c’est vrai, le pétrole est plus facile à vendre que le sucre de canne, mais quand même… En voilà encore un qui s’en sort pas mal, malgré un embargo qui visiblement fait surtout souffrir le peuple irakien. Quand Saddam avait été un peu trop gourmand en faisant main basse sur le pétrole koweïtien, prétexte à la guerre du Golfe, nos chers trotskistes manifestaient pour la victoire de l’Irak, ou plus exactement du régime baassiste bien vite breveté anti-impérialiste, en clamant qu’une défaite de l’impérialisme, c’était une victoire pour la classe ouvrière !

Devinez où et en quelle monnaie ce grand chef des peuples opprimés cache-t-il ses petites économies ? Dans un pays du tiers monde ?

À moins qu’il ne fasse, comme tant d’autres, confiance à un banquier suisse, représentant typique de l’anti-impérialisme… On ne les félicitera jamais assez pour la clairvoyance et la pertinence de leur analyse !

Un monde fou

500 milliardaires, des fortunes colossales, et de l’autre coté des centaines de millions de déshérités qui survivent avec moins de un dollar par jour, partout dans ce monde une misère abjecte, y compris dans nos pays dits développés, des millions de gens qui s’appauvrissent pendant qu’une minorité s’enrichit encore et toujours plus.

Ce serait ce monde-là qui serait ordonné (air connu) ? Il y a erreur, pour une immense majorité d’individus, on dirait plutôt que c’est un certain chaos qui prédomine.

Alors, à quand un peu plus d’harmonie, l’égalité d’une société sans classe ni État, qui éliminerait les injustices, instituerait de nouveaux rapports sociaux sans domination, et qui foutrait définitivement en l’air l’idée même d’enrichissement sur le dos des autres, et les hit-parades obscènes du magazine Forbes, bref toute exploitation, aliénation et oppression, en un mot, l’anarchie !

E.G.
groupe de Rouen