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L’Acharnement répressif de l’armée

Le jeudi 18 juin 1998.

Mardi 9 juin 1998, devant la chambre spécialisée dans les Affaires militaires du Tribunal de Rennes, Goulven Apperry est poursuivi pour insoumission, refus d’obéissance et désertion. Son histoire est celle des réfractaires à l’armée ; exilé en Angleterre pendant deux années, Goulven est jugé et condamné par défaut à un an de prison ferme. De retour en France, il se présente spontanément à la caserne Foch de Rennes, pour faire opposition à ce jugement et régulariser sa situation : un dossier médical assez épais devait assurer sa réforme. Mal lui en prend ! Non seulement il n’est pas réformé mais les militaires le gardent en caserne, l’incorporent d’office et sans délai.

Goulven affichant clairement ses opinions pacifistes et antimilitaristes, refuse par trois fois de porter l’uniforme. Il est alors enfermé pour refus d’obéissance et insoumission. Mis en liberté provisoire par le juge d’instruction en avril 1998, il est de nouveau recherché par la gendarmerie qui harcèle constamment sa famille pour le retrouver. Il subit alors la vie du fugitif et doit se cacher pour éviter la prison.

Une justice en retrait

Ce 9 juin 1998, la salle du tribunal était bien étroite pour accueillir la trentaine de militants anarchistes, du MOC, et d’individus ainsi que, curieusement, la bonne douzaine de gendarmes qui quadrillaient la salle d’audience.

Le jeune insoumis a réaffirmé clairement devant le tribunal ses convictions et ses motivations antimilitaristes, soutenu par Pierre Martial d’Avis de recheche, comme témoin qui a remis au tribunal un volumineux dossier de lettres de soutien et de pétitions (2 500 environ).

Maître Proust, avocat de Goulven, dénonce le harcèlement des insoumis par l’armée, d’autant plus scandaleux que le service militaire est légalement supprimé mais qui pour des raisons de convenance et satisfaire aux besoins de main d’œuvre de l’armée se poursuivra encore quelques années.

Le procureur, pour sa part, est bien embarrassé par cette situation ubuesque où, en fin de compte, un jeune homme a surtout eu le tort de naître quelques mois plus tôt. Son embarras ne l’empêchera pas d’évoquer, le ton grave et ridiculement théâtral, le sort réservé aux insoumis en temps de guerre. Effet recherché et sous-entendu : si l’on va jusqu’à fusiller l’insoumis, c’est que l’insoumission est un acte grave, une condamnation s’impose donc !

Les juges, quant à eux, ont renvoyé dos à dos, l’armée et l’insoumis, et reporté le procès au mois de décembre 1998. Mais cette situation ne résout pas le problème de Goulven qui est toujours considéré comme déserteur et qui peut être arrêté d’un instant à l’autre par les gendarmes. C’était sans doute l’intention de ces derniers, puisqu’à peine le jugement rendu, la douzaine de gendarmes présents dans la salle — les menottes bien en vue — suivait de près Goulven Apperry. Sans la vigilance des militants et la présence nombreuse de la presse, celui-ci croupirait certainement en prison à ce jour.

L’armée mute, la lutte continue

Environ 250 réfractaires à l’armée sont aujourd’hui incarcérés en France. Plus de 2 500 insoumis contraints à l’exil font l’objet d’un mandat d’arrêt [1]. Ces insoumis ne sont sûrement pas tous des militants aux convictions bien affirmées et c’est bien pour cela qu’il est facile pour l’armée et la justice de les poursuivre et les emprisonner. Sans soutien et sans publicité autour des procès, il devient presque impossible d’échapper à la répression militaire et judiciaire.

Les poursuites à l’encontre des réfractaires à l’armée doivent maintenant cesser. Nous pouvons, par notre action et notre présence, accélérer la disparition du service national.

Nous devons aussi résister fermement aux soubresauts répressifs des militaires, ainsi qu’à leurs tentatives de s’immiscer, via les accords Armée-Education, dans les programmes scolaires et l’école en général.

Dans le même souci de contrôler la population, l’armée voudrait délivrer une attestation prouvant que les jeunes gens se sont bien soumis au « Rendez-vous citoyen », afin qu’ils puissent se présenter à un examen ou passer un permis de conduire… Nous ne saurions le tolérer.

F.D. et M.B.
groupe La Commune (Rennes)


[1Cf. Avis de Recherche, B.P. 53, 75861 Paris cedex 18.