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éditorial du nº 1183

du 2 au 8 décembre 1999
Le jeudi 2 décembre 1999.

Éditorial

Régulièrement, la Corse occupe la une de l’actualité. Le double attentat perpétré jeudi 25 novembre à Ajaccio s’inscrit dans la logique meurtrière qui ensanglante l’île depuis plus de deux décennies. Nous ne pouvons que condamner cette violence aveugle qui trouve ses racines dans une idéologie autoritaire et nationaliste. Les patriotes et chauvins de tous poils, les idéologues de la lutte de libération nationale ou de la préférence locale (Francesi fiori : les Français dehors) n’ont rien d’autre à proposer que la pérennisation d’un ordre social basé sur la domination et l’exploitation du plus grand nombre au profit de quelque un-e-s. La bourgeoisie, qu’elle soit française, corse ou catalane reste un parasite dont il faut plus que jamais se débarrasser.

En commettant de tels actes barbares, les nationalistes corses déclenchent par contrecoup un renforcement de l’appareil répressif de l’État sur toute l’île : réactivation du plan Vigipirate, compagnie de CRS supplémentaire et… petit couplet sur le retour à l’État de droit en Corse. Pourtant, il n’y a jamais eu d’État démissionnaire ou impuissant à restaurer l’ordre républicain mais un système qui s’accommode, entretient et échange des relations complexes, complices et privilégiées avec les bandes armées.

À force de jouer avec le feu, le pouvoir peut se trouver un jour ou l’autre dans une mauvaise posture. La publication du rapport parlementaire pointant les dysfonctionnements des services de l’État en Corse offre un angle d’attaque facile à l’opposition pour déstabiliser le gouvernement Jospin. Mais à long terme, on peut être certain que la situation actuelle perdurera. Les élites locales ou nationales ont tout à gagner d’un système clientéliste et clanique qui permet de gérer en toute opacité les mannes financières venant de la France et de l’Union européenne. Il en est de ces limites qu’on ne peut franchir sous peine de perturber le bon équilibre du système.

En attendant, la population est écœurée et s’est très peu mobilisée pour manifester son mécontentement. Donner l’impression qu’on ne peut rien changer en Corse, voilà une idée que les libertaires doivent combattre avec vigueur. Le désintérêt pour la chose publique ne peut que conforter les pouvoirs en place. En Corse et ailleurs.