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Montreuil

Les Roms sont indésirables

Le jeudi 24 avril 2003.

APRÈS CHOISY, ACHÈRES ET SAINT-DENIS, les
forces de police sarkoziennes ont opéré à l’ex-
pulsion, lundi 14 avril, de 170 Roms installés
à Montreuil depuis septembre 2001.

Après avoir été prévenus à 6 heures du
matin par un des Roms, nous nous sommes
rendus, désemparés, sur les lieux du drame.
Environ deux cent CRS, armés de flash balls,
ont sorti les familles les unes après les autres,
ont plaqué contre le mur des hommes, des
femmes et des enfants de quatre ans, qu’ils
ont tous fouillé avec minutie. Même la couche
d’un tout petit et un landau ont été passés au
peigne fin ! L’horreur dura des heures.

Vers 13 heures une fois les lieux vidés de
ces occupants, emmenés par la Croix-Rouge,
véritable collaboratrice de ces rafles (le terme
n’est pas trop fort), deux bulldozers de la
société EADS se sont attaqué au bâtiment,
réduit aujourd’hui à un tas de gravats.
Tout cela pour que quelques heures
après, une cinquantaine de Roms, détenteurs
de visas de trois mois ou de récipissés soient
tout simplement jetés à la rue.

Les autres, parmi lesquels des enfants, ce
qui est pourtant illégal, dont un bébé de un
mois, ont été placés en centre de rétention. Les
hommes ont été séparés des femmes. Les
audiences ont eu lieu dans trois tribunaux différents, à Paris, à Bobigny et à Meaux. L’irrégularité de l’interpellation a permis aux
avocats d’obtenir l’annulation de la procédure
pour 19 personnes à Meaux. En effet la requête
du parquet avait notifié que les forces de police
devaient se cantonner à l’extérieur du bâtiment, ce qui ne fût absolument pas respecté. Mais la justice, véritable loterie, n’a pas été la
même partout. À Bobigny 5 femmes furent
assignées à résidence, la Préfecture gardant leur
passeport. La crainte de ne pouvoir les récupérer (un accord entre les autorités roumaines et françaises prévoit en effet la suppression pour 5 ans de leur passeport à ceux qui ne se soumettent pas), a décidé ces femmes à se rendre à la préfecture mardi 22 avril et donc de retourner en Roumanie. Enfin samedi 19 une dizaine d’autres ont été expulsés du territoire français. Parmis eux 3 hommes et 3 femmes, dont deux enceintes, et trois enfants mineurs, dont un bébé de un an et demi.

Ces évènements ont bénéficié d’un certain
écho dans la presse. Celle-ci a largement insisté
sur la situation irrégulière des occupants, mais
elle a souvent omis de préciser qu’un appel
contre l’arrêté d’expulsion concernant le bâtiment avaient été fait et que celui-ci devait avoir lieu le 22 avril. Seulement huit jours plus tard.
D’autand que les Roms n’ayant pu, lors de la
première audience au mois d’août 2002,
bénéficier de certains droits à la défense,
comme celui d’avoir un interprète, l’appel
avait certaines chances d’aboutir.
Les médias ont aussi souvent oublié
d’évoquer l’attitude honteuse des autorités
préfectorales et municipales. Le sous-préfet de
Seine-Saint-Denis s’était en effet engagé auprès du collectif à ne pas procéder à l’expulsion avant la date de l’appel. Mais à l’heure du
tout répressif, même la justice étatique n’a
plus son mot à dire. La mairie avait de son côté
signé l’autorisation de bloquer la rue. Depuis
le vendredi précédent les autorités municipales étaient donc au courant. Elles n’en ont soufflé mot. Jean-Pierre Brard, maire communiste, n’en était d’ailleurs pas à sa première exaction. Au mois de mars 2002, à la fin de la
trêve hivernale, il avait tenté, en toute illégalité
de détruire le bâtiment où les Roms s’étaient
réfugiés. Deux tractopelles avaient, ce jour-là,
été arrêtées par ces derniers et des militants du
Dal. Depuis il s’est appliqué à monter les habitants de la cité avoisinante contre les Roms. Il y
est malheureusement parfois parvenu. La
semaine précédent l’expulsion, une délégation
de l’association de collocataires accompagné
de leur bon maire, sont allés réclamer l’expulsion à la préfecture. Et, comble de l’ironie (le
terme est faible), le Parti communiste, qui une
fois de plus a jusque là brillé par son absence,
réclame aujourd’hui la régularisation de tous
les Roms !

Ce qui a eu lieu ce lundi est un véritable
drame, qui de nouveau renvoie des dizaines de
familles roms dans la fuite, incessante depuis
des siècles, et jette en pâture un travail colossal
mené pendant une année et demi. Les droits
les plus élémentaires (électricité, point d’eau,
scolarisation des enfants et des adolescents,
AME — Aide médicale d’État —, suivi médical
régulier des personnes atteintes de maladies
graves. Voir ML nº 1312) avait été arrachés par
une lutte véritablement épuisante et représentaient pour des êtres humains l’espoir, enfin, de pouvoir vivre un peu plus dignement.

Aujourd’hui environ soixante personnes
se trouvent à la Maison ouverte à Montreuil,
qu’elles occupent avec les militants du collectif. La lutte continue donc. S’attaquer à la
répression requiert d’ailleurs une disponibilité
permanente et coûte très cher.

Manue


Vous pouvez envoyer des sous à Publico, 145, rue Amelot, 75011 Paris.
Les chèques sont à mettre à l’ordre de Christine Rebatel, mention solidarité Roms de Montreuil au dos.


Une réunion publique a lieu le jeudi 24 avril à 19 heures
à la Bourse du travail, 24, rue de Paris
M° Croix de Chavaux.