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Éducation nationale : priorité à la précarité !

Le jeudi 11 septembre 1997.

En cette rentrée scolaire, le calme règne dans les rangs. Les ministres de l’Éducation nationale, Allègre et Royal, de par leurs propositions et leurs positions, ont su ainsi calmer les ardeurs revendicatives qui couvaient dans le milieu enseignant il n’y a pas si longtemps. Il y a sans doute un soutien plus ou moins critique de ces mêmes enseignants à un gouvernement de gauche « plurielle ». On se croirait presque revenu dans les belles années mitterandiennes où nos concitoyens pensaient que la gauche allait changer la vie. Pourtant, ce qui est mis en œuvre actuellement par nos deux « lascars », avec l’aide d’Aubry, n’est pas fait pour nous réjouir.

CES, MA… et 75000 précaires de plus !

En élève zélé de la classe des ministres, Allègre a multiplié, cet été, déclarations tonitruantes et rafales d’annonces. En bon connaisseur du marketing, il a lancé quelques jours avant la rentrée, la semaine exceptionnelle. Sept jours pour présenter les emplois jeunes pour l’Éducation nationale, leur nombre, leurs missions, leur statut ! Sept jours pour que toutes les structures éducatives se mettent au service de la précarisation de milliers d’individus. Quand on connaît déjà l’utilisation massive des CES, des Maîtres-auxiliaires les années précédentes, cette nouveauté de rentrée n’est en fait qu’une couche supplémentaire de ce mode de régulation sophistiqué concernant la précarisation. Nous pouvons même nous demander si l’État ne va pas bientôt faire passer le titulaire pour une espèce en voie de disparition. Le démantèlement du statut, dans les faits, ne semble plus être très loin.

Un gros mot : insertion professionnelle !

Le projet, car il y en a un, pour ces emplois-jeunes, est de s’insérer soit dans l’Éducation nationale par le biais des concours, soit dans d’autres entreprises. L’État roule, mais nous le savions, pour les patrons : il ne rend pas inactifs des individus sortis du cursus scolaire et ainsi les chapeautent entièrement. Un exemple, la demi-journée que ces jeunes pourront avoir, ne pourra se faire qu’avec l’aval du chef d’établissement. Et là, c’est un nouveau problème qui se pose, mais qui avait déjà été abordé les années précédentes. Le chef d’établissement, d’école, de collège ou de lycée, devient encore plus un manager, un chef d’entreprise, un directeur des relations humaines. Gérer la précarité, redéfinir les rôles de chacun à l’intérieur d’un établissement deviennent des nouvelles missions dans l’éducation.

Les syndicats ne cogèrent plus, ils sont d’accord

Ceux qui s’affairent actuellement autour de cette précarisation pour les jeunes sont les organismes de formation des personnels de l’éducation nationale (MAFPEN). En effet, l’État, par l’intermédiaire de ses recteurs d’académie, leur a demandé de former en un mois et demi, à partir du premier octobre, ces diplômés au minimum bac + 2. Pour ce qui concerne les syndicats, leurs belles paroles sur l’autonomie syndicale face au pouvoir, quel qu’il soit, s’envolent. Neutralité, voire bienveillance vis-à-vis du projet sont de règle. Ils prennent, par là, une large responsabilité dans cette opération. Il semble évident que la titularisation demandée par certains à propos de ces emplois-jeunes… Ces emplois-jeunes vont être le prochain « pile ou face ». Nous risquons de nous retrouver dans cinq ans, au terme de ces emplois, avec la même problématique que les maitres-auxiliaires.

Certains trouveront peut-être des passerelles entre les différents statuts : tu commences avec l’emploi-jeune, tu continues avec le CES et tu finis avec le RMI. La gauche vient d’inventer le « parcours précaire ». Cela va-t-il être bientôt un métier ?

Cela suffit ! Nous devons combattre ces emplois-jeunes. Qui peut vivre correctement, de nos jours, avec le SMIC ? À nous de lutter, pied à pied, contre toutes formes de précarisation, d’atomisation et de soumission des individus. La construction d’un mouvement social avec jeunes et moins jeunes peut se faire autour de cette question afin de faire reculer la régression sociale vers laquelle nous amènent l’État et le gouvernement social démocrate.

Jérôme
groupe Kronstadt (Lyon)