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¿ Coca-Cola no es cocaína ?

Le jeudi 16 janvier 2003.

La coca n’est pas la cocaïne. C’est ce qu’affirme sans vergogne, encore qu’à juste titre, la Coca-Cola Company, qui importe des dizaines de tonnes de ce végétal chaque année, au mépris des réglementations. Les gouvernements de Colombie et des États-Unis enverront-ils des troupes à Atlanta pour raser le siège social de cet infâme dealer ? On peut en douter.



En Bolivie, en décembre 2002, l’exportation de 60 tonnes de feuilles de coca vers la compagnie Coca-Cola crée la confusion sur les normes d’exportation en vigueur du produit. L’OEA (Organisation des États américains) décrétait il y a quelques décennies que la feuille de coca était une drogue (ce qui implique l’interdiction de sa culture, de sa commercialisation et de sa consommation [sauf dans le cadre d’une utilisation traditionnelle au sein du territoire bolivien] et de son exportation), avec l’appui d’arguments forts contestables : la feuille de coca est hallucinogène, crée de la dépendance, diminue l’espérance de vie du consommateur et détériore la santé.

Donc, la feuille de coca serait une drogue dangereuse, selon l’OEA… Mais il est intéressant d’apprendre qu’en pleine « guerre contre la drogue » et contre la culture illégale de la feuille de coca dans le Chapare, en Bolivie, le gouvernement bolivien a proposé une étude de marché pour la commercialisation de la feuille de coca ; cette étude servirait aussi, entre autres, à évaluer la demande en termes de consommation légale nationale.

La feuille de coca aurait-elle été légalisée pour permettre son exportation ? Non, mais soixante tonnes ont été vendues à ALBO Export cette année (204 tonnes en 1995, 114 tonnes en 1996, 49 tonnes en 1999, d’après le CELIN, Centro latinoamericano de investigación científica) ; ALBO a exporté durant 26 ans de la coca aux États-Unis, par l’intermédiaire de la Stephan Chemical Co. (import-export pharmaceutique) uniquement. Bien que les exportations de la feuille de coca soient interdites depuis 1971…

En réalité, ALBO Export vend la coca à la compagnie Coca-Cola. Il serait intéressant de connaître quels sont les arguments utilisés par la multinationale quand ils se défendent farouchement en écrivant dans les médias boliviens : « Mais, il n’y a pas de cocaïne dans nos produits ! »

Coca-Cola Company affirme donc sans équivoque que « Coca no es cocaína ». Mais selon la DEA, la coca est une drogue. Alors, combien de consommateurs de Coca-Cola, donc de drogués dans le monde ? La coca, au même titre que la consommation de café, est tout au plus une drogue de société, nous permettant de supporter un rythme de production imposé ; la feuille de coca est véhiculée par une tradition ancestrale.

Deux définitions :
 COCA , Erythroxylum coca ; les feuilles sont mâchées, riches en vitamines, minéraux et oligo-éléments, sa mastication apaise la fatigue et la faim.
 COLA, Cola acuminata, nitida ; graine africaine, provenant du colatier, « le plus souvent, la graine est mâchée, la cola constitue un tonique du cœur, elle apaise la faim et la fatigue […] ».

Sans aucun doute, les arguments de l’OEA appuyant l’hypothèse que la coca est une drogue sont douteux ; on la prétend « hallucinogène » : même la cocaïne (alcaloïde qui est extrait des feuilles de coca macérées en grandes quantités avec, entre autres, du kérosène et de l’acide sulfurique) ne provoque aucun effet hallucinogène. De plus, le peu de cocaïne contenue dans la feuille de coca libérée lors de sa mastication est hydrolysée entièrement dans le système digestif, en aucun cas elle n’arrive au système nerveux central.

L’OEA affirme aussi que la consommation des feuilles de coca est « responsable d’une diminution de l’espérance de vie et d’un effet négatif sur les indices de santé ». Ce ne sont pas les personnes les plus riches qui consomment quotidiennement la feuille de coca…

Des propositions d’étude sur la feuille de coca et sa consommation sont émises par la « Defensoría del pueblo » ; le député Evo Morales, appuyé par le ministre du gouvernement A. Gasser, propose que ce soit l’Organisation mondiale de la santé (OMS) qui mène à bien cette étude. Pour en finir avec l’obscurantisme pseudo-scientifique de l’OEA ? En attendant que l’on se décide sur les études à mener sur la feuille de coca et par quelles institutions, quelle solution est offerte directement aux cultivateurs et cultivatrices, « cocalero y cocalera », du Chapare ? Alors que les tentatives de nombreuses organisations et institutions internationales, financées par les banques multilatérales de « développement », d’implanter des cultures « alternatives » n’ont jusqu’à présent rencontré aucun succès, à cause de l’ouverture quasi nulle du marché à ces produits.

Pour terminer, Stanley Schraeger, chef du NAS, division des narcotiques en Bolivie n’a émis aucun commentaire sur le thème, il a simplement dit que « le sujet de l’étude est une affaire entre le gouvernement [bolivien] et les cocaleros ». Telle fut sa déclaration à la fin d’un match de football entre jeunes, dédié à promouvoir le sport et le refus des drogues, à El Alto (La Paz), où étaient présents le vice-ministre de la Défense sociale et le chef du NAS. Peut-être ce dernier aurait-il été plus bavard à propos de l’arrivée de soldats américains sur le territoire bolivien, qui sont venus prétendument pour construire des écoles…

Louis Jazz, El Alto, décembre 2002