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La Main du pape dans la culotte de la République

Le jeudi 16 janvier 2003.

Sous la houlette des ratichons, les élus se livrent à mille pitreries : telle ville se consacre à la Vierge, tel conseil général exige le retrait d’une affiche « hideuse et diabolique ». Les institutions sont toujours perméables à la néfaste influence des cléricaux. À quand le retour du délit de blasphème ?



Un faisceau d’informations convergentes et concordantes donne à penser que la laïcité de la République, déjà bien malmenée, risque aujourd’hui de subir les derniers outrages, à l’initiative des partis ouvertement fascistes de ce pays.

Au conseil régional Rhône-Alpes, le retour d’une coalition que l’on avait voulu nous faire croire passée, à savoir, UMP, FN, Millonistes et mégrétistes, s’est joyeusement reconstituée pour censurer l’affiche du festival « Jazz à Vienne », (cf. Le Monde, daté des 24 et 25 novembre). Cette affiche représente un petit diablotin blanc qui tête goulûment le sein d’une femme de couleur. Le conseil régional en exige le retrait sous le prétexte que « cette affiche hideuse et diabolique dénature la maternité et porte atteinte aux convictions des chrétiens » (sic !) Si le festival maintient son affiche, le conseil régional annulera sa subvention de 65’000 euros.

La bêtise abyssale d’une telle injonction ferait rire, si la censure ne pointait pas régulièrement le bout de ses ciseaux dans notre actualité, si les signes nombreux d’un fascisme rampant et doucereux ne s’accumulaient pas.

Durant le même temps, on apprend que M. Collomb, maire socialiste de Lyon, verse une pièce d’or au curé de Fourvière pour renouveler la consécration de la Ville à la Vierge. On apprend également qu’il se presse avec Mme Comparini et M. Mercier à l’intronisation du nouvel archevêque de Lyon. Enfin, son grand (et seul) projet culturel à ce jour, consiste à développer la fête des Lumières du 8 décembre, agréable coutume mais dont il faut se rappeler qu’elle commémore le jour où la Vierge a sauvé Lyon de la peste (resic !).

Depuis longtemps, les catastrophes et les grands événements de la République sont salués par des cérémonies religieuses auxquelles assistent, ès qualité, les plus hauts représentants de la République « laïque ».

Depuis l’arrivée de la gauche au pouvoir en 1981, les subventions aux écoles confessionnelles ont explosé, voire sont devenues obligatoires dans certains cas pour les communes qui s’y opposaient. Les chaînes de service public financent toujours des émissions de propagande religieuse. Dans le même temps, est-ce un hasard ou bien est-ce que cela préfigure l’avenir, les Américains insistent lourdement pour que nous laissions en France la voie libre aux sectes de tout ordre. Aujourd’hui, la coupe est pleine. La censure est téléguidée par l’Église et, compte tenu de ce que nous prépare notre vice-premier ministre de l’Intérieur, le délit de blasphème est pour bientôt !

Nous ne voudrions pas avoir à constater l’existence d’un axe PS-UMP-FN autour d’un retour au sectarisme religieux dans la vie publique. Déjà, quand Daniel Vaillant, le dernier ministre socialiste de l’Intérieur, déclare que la loi Sarkozy « ne fait que reprendre des mesures qu’il avait lui-même préparées », on a froid dans le dos. Mais ce qui se profile, ce consensus mollasson et liberticide autour de la religion, laisse prévoir un avenir bien sombre pour la liberté de création et d’expression, pour la liberté de pensée elle-même.

Il y a vingt ans, lorsque les skinheads en jupon de l’abbé Lagueyrie avaient mis le feu au cinéma Saint-Michel à Paris, pour empêcher la diffusion de la Dernière Tentation du Christ, la seule oraison pour les victimes venue de Mgr Lustiger avait été : « Quand on touche au sacré, on déchaîne le diable ! » Aujourd’hui, ces joyeux adeptes de l’Inquisition dictent sa politique à l’Assemblée régionale et influencent l’ensemble de la vie publique, y compris dans certaines collectivités dites « de gauche ».

Alors, redisons-le, avant d’avoir à nous battre pour défendre ces principes :
 La foi est une affaire personnelle qui n’intéresse pas la puissance publique et qui ne concerne que l’individu, et lui seul. On ne peut l’empêcher d’avoir la foi qu’il souhaite, et il ne peut l’imposer à personne.
 Les principes éthiques qui fondent la République ne sont pas religieux, ils permettent l’exercice d’une religion, et aussi le non-exercice d’une religion.
 Un prêtre n’est pas spécialement qualifié pour parler d’éthique, puisque sa formation et son rôle sont de défendre sa religion et non l’intérêt général.

Les athées n’emmerdent personne et aimeraient bien que les adeptes religieux en fassent autant. S’il le faut, nous défendrons la laïcité, dernier rempart de la liberté de penser. Que les croyants y pensent bien, c’est la laïcité seule qui garantit leur liberté de croire. S’ils y portent atteinte, bientôt, selon la vieille histoire, il n’y aura plus personne pour protester quand d’autres croyants voudront les éradiquer de la surface du globe, comme « infidèles ».

Pierre Romaszko