À Auray, petite ville du golfe du Morbihan de 12 000 habitant-e-s, haut lieu touristique, le maire communiste Michel Le Scouarnec a pris deux arrêtés municipaux prenant effet le 2 octobre jusqu’au 31 octobre : l’un interdit la consommation d’alcool, l’autre les occupations prolongées de certains lieux. Ces arrêtés sont reconductibles si « nécessaire ».
À la demande de l’opposition de droite s’inquiétant de la présence de « jeunes adultes agressifs » dans les rues, le maire a répondu partager ses inquiétudes et a pris en conséquence des mesures exceptionnelles car « les gens ont peur. Ce n’est pas normal ». En fait, depuis l’été, le nombre de SDF (une vingtaine) faisant la manche à Auray a augmenté. D’aucuns (plutôt méprisants) disent que c’est parce que les structures d’accueil à Auray sont appréciables, l’information aurait alors circulé…
Toujours est-il que des individus en galère picolent souvent, circulent avec des chiens, et il n’est pas étonnant qu’il y ait des violences. Ainsi sont interdites les « occupations abusives et prolongées des places, rues, squares, enceintes sportives, ouverts à la circulation publique, dès qu’elles sont accompagnées ou non de sollicitations ou quêtes à l’égard des passants lorsqu’elles sont de nature à nuire à la commodité du passage, à entraver la circulation des personnes ou à porter atteinte à la sécurité et au bon ordre public ». Est également visé « le regroupement de chiens même tenus en laisse et accompagnés de leurs maîtres lorsqu’il est de nature à troubler l’ordre public ».
Dans la foulée deviennent aussi objet de contraventions la station assise ou allongée. Le maire dit « ne pas avoir le choix » et espère « lever ce dispositif au plus vite ».
Ainsi le rôle d’une municipalité de gauche, en bonne gestionnaire de cette société, revient-il à chasser les pauvres… Par ailleurs, le silence de Ras l’front est étonnant : peut-être parce qu’une partie a été intégrée dans l’équipe municipale sous l’étiquette des Verts ?
L’infraction coûtera 11 euros. En cas de non-paiement sous trente jours, direction le tribunal correctionnel de Vannes. De fait, depuis une semaine, les SDF sont régulièrement contrôlé-e-s et n’ont plus de paix avec les flics.
La Fédération anarchiste a, seule, pour le moment réagi par voie de presse, par une lettre ouverte au conseil municipal d’Auray. Ainsi la liaison Auray de la Fédération anarchiste entend réagir face aux deux arrêtés municipaux visant à interdire la consommation d’alcool et l’occupation « abusive » de la voie publique dans certaines rues d’Auray.
Il n’est pas question pour nous de faire de l’angélisme et de nier des tensions réelles qui peuvent survenir quand des individus vivent dans la misère. Or c’est là que réside le problème, car encore une fois sont visé-e-s les miséreux et les miséreuses et non les causes de la misère. Nous imaginons bien que pareille position pour un maire communiste constitue une torture morale car contrairement à ce que M. le maire veut faire croire, ce sont bien les sans-abri qui sont visé-e-s. Sa remarque, « Ce n’est pas un dispositif contre les sans-abri, mais… », nous fait penser aux hypocrites : « Je ne suis pas raciste, mais… ».
Que va-t-il se passer ? Les SDF, les sans-abri, les sans-argent, c’est-à-dire les pauvres, n’ayons pas peur des mots, iront ailleurs. Le problème sera-t-il résolu pour autant ? Ouf, le centre-ville, centre commercial d’Auray, sera propre ! Et, comme à l’échelle nationale, le gouvernement mène la politique de celui qui a été rejeté massivement en mai 2002, à l’échelle locale, le maire d’Auray applique, sur ce point, ce que l’opposition de droite aurait fait. Calcul électoral pour les élections régionales à venir ?
Certes, ce n’est pas à Auray que va se résoudre la question sociale de la lutte contre la misère et du partage égalitaire des richesses, mais force est de constater qu’une municipalité de gauche en arrive à prendre des mesures réactionnaires car tant qu’existera le capitalisme, de vraies solutions il n’y aura pas.
Or le nombre de pauvres en France va faire un bond dès janvier 2004, avec la fin des droits Assedic pour des centaines de milliers de personnes qui vont basculer dans les dispositifs des minima sociaux (ASS, RMI) et, pour plusieurs, ce sera la rue ! Et ce, sans compter l’impact des restrictions à l’allocation solidarité spécifique…
Sans doute est-ce dans cette prévision que les effectifs de police et de gendarmerie augmentent…
Et peut-on ignorer cette réalité : comment payer l’amende quand on est sans ressources ? En mendiant encore plus ? En dépouillant les passants ? En se mettant encore en infraction donc ! Il ne faut pas se leurrer : au final, ces arrêtés risquent bien de conduire les contrevenants en prison. En prison pour occupation abusive des rues d’Auray ! Merci M. le maire.
Et permettez-nous une certaine ironie : les automobiles n’occupent-elles pas de manière abusive les rues prétendument piétonnes d’Auray : elles entravent la libre circulation des piétons, elles font du bruit et perturbent la tranquillité des habitants, les gaz d’échappement attentent à notre santé… sans compter les comportements agressifs de certains automobilistes dont on pourrait croire que leur véhicule est une arme. Que fait la mairie ?
Stef@, groupe Lorient-Vannes