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Indonésie

Émeutes de la faim

Le jeudi 21 mai 1998.

Les jours qui se succèdent voient augmenter le nombre des victimes de la répression en Indonésie. Le pouvoir du président Suharto, en place depuis 33 ans, a fait tirer le 12 mai sur la foule des manifestants qui réclamaient de meilleures conditions de vie : bilan dix morts. Déjà quelques jours auparavant un étudiant avait été tué lors de brutalités policières, et depuis la répression n’a cessé d’augmenter, jusqu’à l’intervention de l’armée indonésienne dans les rues de Djakarta et des principales villes du pays.

C’est l’augmentation des prix de produits de base (électricité et kérosène qui sert à allumer les réchauds), dans une situation économique générale déjà critique qui a provoquée la flambée de colère de la population. En effet, l’Indonésie qui était il y a peu de temps encore citée en exemple par les Occidentaux pour sa croissance économique « à deux chiffres », a été une des principales victimes de la crise qui affecte l’ensemble du Sud-Est de l’Asie depuis l’été 1997. Le chômage est ainsi passé en un an de 2,5 millions à 8 millions. Il s’agit de chiffres officiels, les économistes évaluant à presque 40 millions le nombre d’lndonésiens n’ayant pas aujourd’hui de véritable travail. Les cadres et les travailleurs des villes, après avoir été les artisans de la réussite économique, ont été les principales victimes de la crise dans un système qui ignore indemnités de licenciement et assurance chômage. C’est logiquement que les étudiants, enfants des familles aisées, ont été à la pointe de la révolte au début du mouvement, illustrant l’hostilité des classes moyennes au régime.

Le FMI égal à lui-même

Dans ces conditions le pouvoir indonésien a accepté la dramatique potion économique du FMI pour obtenir des crédits de la part des bailleurs de fonds occidentaux. Suharto a même été un excellent élève du FMI si l’on en croit Stanley Fischon le nº 2 de l’organisation : « Elles [les autorités] ont été très fermes dans l’exécution du programme ». C’est si facile de se serrer la ceinture quand ce n’est pas la sienne.

En effet, la famille Suharto, possède une fortune immense de 40 milliards de dollars et le dictateur ne semble pas préoccupé outre mesure de la misère des Indonésiens. Pendant les jours les plus chauds de la crise, il jouait au golf sur la riviera égyptienne, à Charm El Cheik. Il semble que la stratégie meurtrière de Suharto soit de laisser pourrir la situation pour pouvoir réprimer largement et se présenter à son retour comme le rempart de l’ordre contre le désordre. Suharto est le propagandiste infatigable de ces supposées valeurs asiatiques « ordre et discipline » qui justifient la dictature au nom des particularismes culturels.

La révolte populaire a donc été logiquement, et heureusement, au rendez-vous de l’oppression capitaliste. Pourtant il n’est pas certain que ce mouvement permette réellement l’amélioration des conditions de vie des victimes du libéralisme économique mondial. La principale force d’opposition organisée au régime vient en effet des ligues islamistes et particulièrement du Muhammadya de Amien Raïs. Il ne faut pas oublier que l’Indonésie, pays de 204 millions d’habitants et le plus peuplé des États musulmans. Le rôle politique et social de l’islam sous la forme d’association islamiques et nationalistes est considérable. Ces dernières opposent les intérêts de la familles Suharto à ceux de la nation indonésienne (islamique bien sûr). C’est malheureusement peut-être entre la peste et le choléra que se joue le sort de l’Indonésie.

Franck G.
groupe Sabaté (Rennes)