« Ce sont de drôles de types… »
Léo Ferré, Les poètes
Il est des enfants qui, parait-il, naissent sous une bonne étoile. Ce ne fut pas précisément le cas d’Antonio Tamayo, dit Théophile, né dans un camp de travail d’Allemagne en 1943, où sa mère ukrainienne et son père, réfugié politique espagnol, s’étaient rencontrés. Après une prime jeunesse difficile dans la région lyonnaise, comme en connaissent souvent, allez savoir pourquoi, les enfants pauvres et d’origine étrangère, Théophile sera poussé un peu plus tard, par une école républicaine attentive comme on sait aux sensibilités et aux goûts des jeunes gens, vers un CAP de bottier alors que les études littéraires l’attirent. Il ne pratiquera jamais ce métier. Ses souliers, comme ceux de Félix Leclerc, vont le faire voyager, car Théophile est un poète, un de ces saltimbanques que les fenêtres des « braves gens » épient sournoisement et qui disent ici et là leurs « quatrains de dix sous » à la terrasse des cafés, sur des places publiques… Puis ce seront les cabarets, les maisons de jeunes et de la culture, les salles de théâtre. Ainsi plusieurs tours de France, des tournées, jusqu’en 1985, année à partir de laquelle il s’orientera exclusivement, à quelques épisodiques exceptions près, vers l’écriture. La poésie, bien sûr, mais aussi la chanson qui trouvera des interprètes tels que Gilles Servat, Bernard Lavilliers, Gilles Elbaz et d’autres, et le théâtre… Le grand prix de l’humour noir viendra le récompenser en 1984.
À l’origine du festival du verbe et de la création, qu’il anime durant une dizaine d’années en région parisienne, Théophile va créer aussi plusieurs revues, comme La Grappe ou Le Temps des noyaux et, plus récemment, La Lettre de Théophile. Un temps collaborateur de la publication Fluide glacial, Théophile comptait surtout pour nous parmi les plus anciens animateurs de Radio libertaire.
Au studio, nous qui venions, avec Jean, pour animer l’émission suivante, nous n’entendrons plus sa voix, inoubliable, et ne croiserons plus le regard malicieux et doux de ce « drôle de type ». C’est dégueulasse…
Bibliographie et discographie :
- Tramille, pavail, fatrie
- Corocrico… couac
- God save the hot dog
- De la partie supérieure d’un alambic
- Il y a toujours des journées de chiens écrasés qui font l’amour
- Petites nouvelles du front qui plisse mais ne se rompt pas
- et de nombreux recueils de poèmes
- Antonio Tamayo alias Théophile (33-tours)
- Cri Rature (33-tours)
- Mégots d’amour (33-tours)
Floréal