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Mesures bidon contre bidonville

Le jeudi 1er octobre 1998.

La ville n’est pas à l’abri de ces rapports que les gouvernements commandent avant de prendre un train de mesures à caractère spectaculaire. C’est ainsi que Le Monde a rendu public un rapport demandé par l’équipe Jospin et réalise par J.-P. Sueur, maire PS d’Orléans. Parmi les observations que l’on peut relever et qui méritent réflexion, l’élu signale que les maires tirent parti financièrement des contrats de ville (plan de réhabilitation de quartiers sensibles), qui reste donc un dispositif coûteux ne réglant rien sur le fond (pauvreté, dégradation de l’environnement urbain…). Il demande à ce que les effectifs de police soient « rééquilibrés » dans le cadre de « l’égalité devant le service public ». Il évoque la concurrence que se livrent entre elles les communes pour attirer les entreprises sur leur territoire, et propose enfin qu’à titre expérimental, les budgets d’action sociale et ceux du RMI soient transférés des conseils généraux vers des « assemblées d’agglomération » qui seraient à créer, et dont les représentants seraient élus au suffrage universel.

Replacé dans la perspective d’une revendication de justice et d’égalité sociales et d’une pratique autogestionnaire pour ce qui touche à la vie des quartiers, donc des villes et villages, le constat dressé et les conclusions de ce rapport sont choquants. Parce qu’il est choquant (mais pas nouveau !) de voir des élus, démagogues la plupart du temps, se soucier des avantages financiers des contrats de ville plus que de la destinée de ceux qui vivent dans les quartiers concernés par cette manne financière. Qu’il est choquant aussi de voir ces mêmes élus faire entrer leurs communes dans une logique marchande (la ville se gère comme une entreprise et se doit d’être compétitive), en attirant des sociétés à coups d’exonérations que le contribuable finira bien par payer au bout du compte et recréant ainsi des oppositions entre communes concurrentes et leurs populations.

Comme il est significatif de voir que le principe de substitution s’accentue : l’État s’étant déchargé de la gestion des budgets sociaux (RMI…) sur les conseils généraux, on s’avancerait (d’après l’auteur du rapport) vers un nouveau transfert de cette lourde tâche sur les communes. C’est le capital qui décide de la politique économique, les communes en supporteraient les conséquences et l’État pourrait mieux encore se concentrer sur sa tâche historique : quadriller son territoire et empêcher la contestation sociale et politique. D’où la nécessité de redéployer des forces de police sous prétexte « d’égalité devant le service public » (on aimerait un tel effort sur les postes d’enseignants, employés de la CAF ou travailleurs sociaux !). Mais démocratiquement, puisque J.-P. Sueur propose un nouveau palier d’élus « d’agglomérations ». Poudre aux yeux, les mesures sur la ville que prendra Jospin ne serviront à rien sur le fond car elles n’ont vocation qu’à adoucir la pauvreté et la mal vie qui en découle. Pas à l’abolir.

Daniel
groupe du Gard