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Incinérateurs en Bretagne

Le jeudi 17 avril 2003.

LES ASSOCIATIONS Nicob, Nature
et Patrimoine du Centre Bretagne, Nisem, Umivem, Environnement 56, Cohérence et Eau et
Rivière, constatant qu’un grand
nombre d’incinérateurs de déchets
sont actuellement envisagés dans
l’urgence par des élus qui n’ont
pas su mettre en place une politique des déchets efficace, en particulier face à leur accroissement
dangereux, se sont regroupées
pour demander solennellement
de décréter dans les plus bref
délais, un moratoire sur tous les
projets
d’incinération
(qu’ils
soient encore à l’état d’étude ou
en construction, n’ayant pas
encore atteint le stade de fonctionnement industriel) et la fermeture de tous les incinérateurs
dont la pollution est avérée.

Ce moratoire permettrait de
faire un bilan de chaque usine en
mettant à plat les divers aspects de
son impact tant socio-économique (création d’emplois, coût
réel du traitement, coût réel du
kW produit s’il y a production
d’électricité, transparence de la
gestion et des documents contractuels, etc.) que environnemental
(émission de produits polluants,
économies de matières premières,
bilan énergétique, effet de serre,
etc.) et sanitaire (enquêtes épidémiologiques, etc.). Ces études,
réalisées par des organismes indépendants dans une totale transparence permettraient à chacun de
se faire une opinion assez complète sur ce type de projet, qui
nous
engage
pour
plusieurs
dizaines d’années.

Notre demande concernant
les incinérateurs d’ordures ménagères est motivée par les éléments
suivants :

 1. L’incinération est un frein à
l’indispensable réduction à la
source des déchets utilisées, brûlant généralement des ordures
brutes (contrairement à ce que
prévoit la loi), elle évite de s’interroger sur le contenu de nos poubelles ; la capacité nominale d’un
four (toujours supérieur aux
nécessités initiales du syndicat qui
le met en place) n’est pas modulable en fonction de l’évolution
des besoins : une telle installation
tire vers le haut la production de
déchets.

 2. L’incinération contrarie le
recyclage des déchets à PCI élevé :
papiers, cartons et plastiques,
faciles à trier sont aussi les
meilleurs combustibles dans les
déchets, donc nécessaires à l’incinérateur pour obtenir dans les
fours une température élevée. Des
déchets « trop bien triés » sont
impropres à l’incinération. Partout
où cohabitent tri et incinération,
le
recyclage
reste
faible, les
matières sèches triées étant parfois
même stockées en vue de réguler
les apports à l’incinération.

 3. L’impact environnemental
de l’incinération est de plus en
plus reconnu. Le constat d’une
pollution directe par les fumées a
conduit à des fermetures précipitées d’installations avec destruction des productions agricoles
voisines. De nombreux incinérateurs ont été fermés en 2001
et 2002 : ces mesures salutaires
n’ont pas pour but d’arrêter d’incinérer, mais de mettre en place
une nouvelle génération d’usines
dites propres, dont tout laisse à
penser qu’elles seront vieilles et
polluantes dans dix ou vingt ans.

 4. La santé des populations est
menacée autour des incinérateurs :
des métaux lourds, dioxines,
furannes ainsi que d’autres pol-
luants sortent des incinérateurs,
que ce soit par les fumées (même
avec les meilleurs filtres), les éventuels rejets liquides du traitement
des fumées et les diverses cendres.
Sauf à revisiter les lois de la chimie l’incinération ne fait que
transformer les déchets en les dispersant dans l’air (gaz, poussières,
etc.) ou en les concentrant dans
les cendres, ce qui les rend généralement plus toxiques.

Actuellement
utilisés
en
sous-couche routière, les mâchefers (cendres lourdes, principal
déchet visible de l’incinération,
environ 30 % du poids initial)
contiennent de telles quantités de
plomb, qu’il ne serait même pas
autorisé de les enfouir en CET de
classe 2 !

 5. Les prises de décision pour
le traitement des déchets, en particulier le choix de la filière incinération, sont entourées d’une
obscurité proportionnelle aux
sommes engagées, dont certaines
difficiles à justifier. Trop souvent,
les élus et la population sont quasi
dépossédés du contrôle de la
gestion des filières, ce service
public étant capté par les entreprises privées en recherche de
marges bénéficiaires importantes.
Cela oriente également le choix
initial des filières, le tri-recyclage
générant beaucoup plus d’emplois que de profits.

 6. L’incinération détruit une
grande quantité de matière organique qui serait plus utile dans le
sol (humus) que dans l’air (gaz
carbonique).

 7. La chaleur de l’incinération
peut être valorisée mais un circuit
vapeur avec turbine électrique,
d’un faible rendement pour un
lourd investissement, monte le
prix du kW quasiment au prix de
rachat EDF. L’énergie restituée par
l’incinération est toujours inférieure à celle nécessaire pour
fabriquer la matière première
(papier, carton, plastique) ; le bilan
énergétique
du
recyclage
est
meilleur, sans compter l’économie
de matière première.

Notre demande concernant
l’incinération des farines animales est motivée par les éléments suivants :

 1. Une disparition apparente
des déchets de la production
intensive permet de détourner les
contraintes agro-environnementales et ainsi mettre en péril la
charte de l’agriculture pérenne.

 2. L’incinération, en fonction des tonnages traités, induit
inévitablement une infrastructure
lourde de transport, provoquant
pollutions et risques sanitaires
accrus. Les promoteurs de ces projets ne tiennent pas compte de ces
coûts sociaux.

 3. L’évolution de l’agriculture
bretonne a créé dans notre région
de gros problèmes de qualité de
l’eau. L’orientation vers le tout-incinération (farines de viandes,
fumier,
lisiers,
boues)
nous
conduit vers des problèmes graves
de qualité de l’air et ne permettront pas la reconquête de la qualité de l’eau. Dans ce contexte,
l’agriculture
bretonne
risque
d’être définitivement discréditée.

 4. D’autres techniques (méthanisation, thermolyse) ne nécessitant
pas
de
lourdes
infrastructures, sont bien plusvalorisantes (méthane, fertilisant naturel
stabilisé), moins onéreuses (traitement des déchets crus) et plus
sûres (élimination du stade farines
animales et de leur stockage, d’où
moins de risques sanitaires).

Éric S. Gourin
Pour le Nicob
(Non à l’incinération
en Centre-Ouest-Bretagne)