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Cinéma

Cidade de Deus

« La Cité de Dieu », un film de Fernando Meirelles et de Katia Lund
Le jeudi 17 avril 2003.

Le film La Cité de Dieu est une adaptation du livre de Paulo Lins lui-même issu d’une favela de Rio. Celle appellée Cité de Dieu est la plus redoutable et la plus redoutée des favelas de Rio.

L’histoire contée est la description de la montée du trafic de drogue en véritable économie parallèle et la lutte pour le pouvoir entre deux gangs et leurs chefs. Le film intrigue quand il raconte l’ennui et la répétition des gestes qu’il faut faire pour arriver au sachet de drogue vendu : installés comme des ouvriers à la chaîne, les uns pèsent, les autres remplissent les sachets. Mais cet équilibre apparent ne dure pas. La cité de Dieu est justement un lieu abandonné par tous : ce n’est qu’une sorte de camp, constitué de baraquements qu’on a du mal à appeler des maisons. Ce lieu, repère de toutes les transactions mafieuses, est observée de la fin des années soixante jusqu’au début des années quatre-vingt.

Fidèle au livre, le film est découpé en trois parties. Celles-ci rendent compte des années soixante, soixante-dix et quatre-vingt. Chaque partie a des couleurs dominantes, un filmage différent, des focales adaptées aux mouvements perpétuels et incessants des jeunes protagonistes. Ils sont photographiés, filmés, happés en contre-plongé. Tous ces garçons qui perdent innocence et vie… sauf « Fusée ». C’est lui justement qui raconte et commente l’histoire. Il n’a que onze ans quand tout commence. Il observe, photographie, raconte.

Ses copains n’ont pas cette envie, mais ce petit plus de passion donnera lui une chance. Ses copains cherchent juste à avoir du fric et un flingue, car ils ont compris qu’il y a un rapport bizarre
mais indéniablement efficace entre les deux.

Dès la première image on est
happé par la force de l’évocation,
par la passion qui anime toutes et
tous, grands et petits, filles et garçons. Cette agitation se transmet aussi à la caméra. L’énergie des
protagonistes est entrée dans les
images, elle n’est pas seulement le
moteur de l’action. Meirelles, originaire de Sao Paulo et sa co-réalisatrice ont travaillé avec des jeunes
de tous les quartiers chauds de
Rio : 110 en tout, tous non-professionnels ont préparé le tournage dans des ateliers pendant
plusieurs mois. Les réalisateurs ont su
écouter parler
leurs acteurs, ils les ont rendus plus
vrais que vrais. Rythme haletant,
des courses poursuites épuisantes, dopé par l’extraordinaire
vitalité et diversité de ces garçons
aux noms magiques : Petit Dé,
Tignasse, Carotte, Petit Zé, vivent
plus vite qu’ils ne peuvent courir.
Le seul qui marche droit, Manu
Tombeur, receveur de bus, un
géant noir, seul adulte et seul personnage émouvant, car tragique.
Il a une motivation personnelle
forte : il a un compte à régler avec
cette bande de voyous. Un film
vidéo clip qui se mue en film de
cinéma vérité où la folie et la
démence des comportements
inspirent des images insolites aux
opérateurs : ils tentent d’accompagner ces hors la loi pas comme
les autres et tentent de les suivre
vers des contrées meilleures où il
fait bon d’être en vie et de passer
son CAP de photographe.

Le film a fait un tabac au Brésil, interpellant le laxisme des
autorités, la corruption et une certaine fatalité, répandue là-bas comme la misère…

Heike Hurst