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La Décroissance contre le développement

Le jeudi 17 avril 2003.

ON NE PEUT PAS IMPOSER à une planète fermée
et limitée — la Terre — une croissance illimitée.
Nous (pas de manière égalitaire, évidemment)
consommons de plus en plus de ressources et
produisons de plus en plus de déchets. Alors
que la Terre s’épuise, gouvernements et multinationales maintiennent le dogme « consommation + nouvelles technologies = progrès = croissance = emploi ».

La première apparition de la notion de
développement date de 1949 lors d’un discours de type évangéliste de Truman, président
des États-Unis. Il s’agissait à l’époque d’étendre l’aide technique et scientifique dont
bénéficiait certains pays d’Amérique latine à
d’autres pays défavorisés.

Le développement symbole des Trente
Glorieuses (1945-1975) se révèle être une
grande entreprise paternaliste — « les pays
riches développent les pays sous-développés »
en vue de leur occidentalisation d’après
l’archétype du mâle-blanc-riche-électeur.

Croissance, progrès et développement sont
intimement liés et difficilement critiquables à
moins de vouloir passer pour un être hurluberlu ou arriéré. Mais le modèle occidental
n’est pourtant pas universalisable ; aussi bien
d’un point de vue matériel qu’écologique, le
développement n’a été que la poursuite de la
colonisation par d’autres moyens, et la mondialisation n’est que la poursuite du développement… Les pays pauvres ne peuvent
rattraper leur « retard » sur les pays riches,
d’autant plus que ces derniers continuent leur
fuite en avant. Et, de fait, la polarisation
des richesses est plus forte que jamais. Si la
richesse moyenne a été multipliée par six
depuis 1950, le revenu moyen des habitants
des cent pays les plus pauvres a fortement
chuté, et les trois personnes les plus riches de la
planète ont une fortune supérieure au PIB des
48 pays les plus pauvres ! Autre chiffre significatif : 20 % de la population consomme 80 %
des ressources naturelles de la planète.

La croissance est basée sur l’accumulation
de capital, on ne peut donc remettre en cause
la croissance sans remettre en cause le capitalisme. Pourtant, certains (institutions internationales, patrons, gouvernements, ONG, etc.)
veulent nous faire croire qu’ils et elles auraient
trouvé la solution — le développement durable — sans remettre en cause véritablement la
logique du système dans lequel on vit.

Il suffirait de saupoudrer un peu de social
ou d’écologie sur le développement pour
que celui-ci devienne un modèle à suivre.
Pourtant, il ne peut pas plus y avoir de capitalisme à visage humain que de développement
à visage humain !

Ainsi, les expressions des années soixante-dix « produire différemment », « arrêter la
croissance », chères aux écologistes, ont disparu au profit du tout-durable et d’une intégration accrue des associations et ONG dans le
circuit institutionnel.

Renommer « développement durable »
(ou ses déclinaisons : croissance durable ou
soutenue,
tourisme
durable,
agriculture
durable, etc.) la « croissance » ne change rien
puisque cette dernière se fait toujours au
bénéfice des plus riches dans un but de développer la consommation, de trouver des nouveaux marchés. Même le FMI et la Banque
mondiale reprennent ces termes. Cela n’empêche pas les pays riches de continuer à piller
les pays du Sud, avec l’aide des élites locales,
tout en les inondant de déchets, de produits et
de notre culture occidentale, de façon à accélérer l’uniformisation du monde.

En outre, les pays pauvres et leurs habitants sont rendus responsables de leur propre
situation et de l’augmentation de la pollution :
ils et elles continuent de détruire la forêt pour
se chauffer et faire la cuisine, augmentent le
trou dans la couche d’ozone avec leurs usines
sales tandis que nous, nous avons des centrales
nucléaires propres, des voitures avec des pots
catalytiques, etc.

La lutte pour la décroissance… et pour
une économie où la production serait liée à
une utilité sociale doit se faire à différents
niveaux :

 Individuel : changer notre quotidien,
consommer différemment et, au moins, arrêter le gaspillage, recycler, etc.

 Collectif : se regrouper permet de mieux
vivre à moindre coût ; lutter contre les nouveaux projets pharaoniques et inutiles ici et
ailleurs qui n’ont pour but que de faire circuler davantage de marchandises, de capitaux, de
cadres, de patrons par les aéroports, autoroutes, TGV, centrales nucléaires, etc.

Lutter contre ce système n’est évidemment pas simple et demande tout un travail
de discussion et d’explication, notamment
par rapport aux accusations qu’on peut nous
porter de vouloir retourner à l’obscurantisme
ou à une mythification d’un passé originel
merveilleux.

Il s’agit de passer d’une société aux
besoins infinis, disproportionnés par rapport
aux ressources et inégalitairement répartis, à
une
société dont
les
besoins
seraient
« justes », au double sens de justice sociale et
d’adéquation au maintien de l’équilibre écologique planétaire.

Gile
Clag8 Nantes


Sources :

Articles

« Le développement durable : mystification et boniments » in Courant alternatif, nº 127, mars 2003.

« La décroissance », dossier dans
Silence, nº 280, février 2002.

« Défaire le développement, refaire
le monde », dossier dans l’Écologiste,
nº 6, hiver 2001.

Livres

François Partant, la Fin du développement, Actes Sud.

Serge Latouche, la Planète uniforme,
Climats.

Gilbert Rist, le Développement. Histoire
d’une
croyance
occidentale
,
Presse
de
sciences po.

Sites internet

http://www.apres-developpement.org/

http://www.decroissance.org/