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Femmes dans les guerres, femmes contre les guerres

Le jeudi 30 janvier 2003.

Pendant et après les conflits armés, les femmes subissent des violences de toutes sortes : privations, tortures, viols, prostitution, exils. Elles assurent la survie des enfants dans des conditions effroyables, au nom d’intérêts qui ne sont pas les leurs, d’États qui ne respectent pas leurs droits, de sociétés dont leur oppression est le fondement.

Les féministes en lutte pour la paix ont désigné leur ennemi : le patriarcat, système de domination qui permet tous les autres. On est loin, très loin, d’un pacifisme teinté du concept de « bonté innée » qu’on prête aux femmes pour mieux les renvoyer à leur maternité. En créant des réseaux qui ignorent les clivages de nationalités, d’ethnies ou de religions, les féministes pacifistes poursuivent un projet pacifiste et montrent qu’il est réalisable.

Trente pays ou régions sont actuellement en situation de conflit armé, en cours ou en voie d’extinction. Tandis que les combattant(e)s sont parti(e)s guerroyer, les populations civiles sont décimées par les bombardements, par les invasions de « l’ennemi ». Les conflits armés, aujourd’hui, font d’avantage de victimes civiles que militaires, dont les femmes et leurs enfants qui n’ont pas été enrôlé(e)s.

Les guerres tuent et mutilent sans distinction de sexe. Mais les femmes subissent d’autres souffrances, celles qui leur sont déjà infligées en temps de paix, exacerbées en situation de conflit : les violences sexuées, dont les violences sexuelles. Que les soldats violent partout où ils passent est une tradition séculaire, passée sous silence jusqu’à ces dernières années. La médiatisation des viols en Bosnie a rappelé que loin d’avoir disparu, ils se perpétuaient, avec les encouragements de certains commandements. Violer « ses » femmes, c’est une façon de toucher l’ennemi, de l’envahir en « polluant » sa descendance. Là réside le « plaisir » du viol de guerre : offenser d’autres mâles. Beaucoup des femmes instrumentalisées seront ensuite rejetées par leur propre communauté, car leur souffrance ne vaut rien au regard de la blessure d’orgueil du mâle qu’elles ont permise à leur corps défendant. C’est pourquoi, souvent, les victimes ne témoignent pas. Quand les hommes s’assoient à la table des négociations, ils « oublient » ces exactions, les violeurs étant dans les deux camps.

Après l’arrêt des combats, les femmes sont encore victimes de la pauvreté, de la faim, du manque de soins, de la pénurie des services, inhérents à tout conflit armé. Beaucoup subissent les violences conjugales de leurs maris revenus du front. Pour le réconfort des forces de maintien de la paix, on ouvre des bordels. Des milliers de femmes tombent sous la coupe de réseaux de proxénètes, qui savent tirer profit de la misère et du désordre.

Nombre d’entre elles se retrouvent chefs de familles, dans une situation économique catastrophique, et renvoyées à la sphère familiale quand le mâle est de retour s’il revient, ou réduites à assurer la survie quotidienne et certainement pas à avoir un travail émancipateur.

La fable de la guerre « émancipatrice » nous a pourtant été servie par Bush qui se « vantait » de libérer les femmes afghanes. Outre le cynisme de ses propos (prendre une population parmi les plus opprimées de la planète comme alibi pour une guerre pas moins économique qu’une autre), de quel droit un « État » se déclare-t-il « libérateur » d’un peuple ? Un an après, les Afghanes subissent toujours discriminations et violences, dans un pays encore plus dévasté qu’il ne l’était déjà.

Derrière les belles paroles des membres de l’Onu : « Les femmes, qui connaissent si bien le prix des conflits, sont souvent mieux à même de les prévenir ou de les résoudre » où sont les actes ? Si tel était le cas, pourquoi ne sont-elles pas assises aux tables des négociations ? Pourtant, elles font preuve d’un grand courage, celles qui, dans un pays en conflit sont considérées comme traîtresses parce que pacifistes et féministes. Elles récusent la violence sous toutes ses formes, le modèle patriarcal dont la guerre est l’un des fleurons. Or comment maintenir une domination sans violence ? Le féminisme est inconciliable avec le nationalisme et le militarisme, non pas parce que les femmes sont « naturellement » pacifistes, mais parce que tant qu’il y aura domination d’êtres humains sur d’autres êtres humains et violences pour les soumettre, un autre monde ne sera pas possible.

En ce moment même, un autre conflit se prépare auquel nous ne sommes pas sûr(e)s d’échapper. Guerre du Bien contre le Mal ou de la super puissance économique contre l’Irak ? Des citoyennes des États-Unis se mobilisent contre cette guerre parce que nous, les femmes, ne voulons plus souffrir et réparer, mais parce que nous voulons proposer, décider, agir pour un monde égalitaire en paix.

Is@, groupe Jes futuro de la FA