À l’occasion du 4e Salon du livre anarchiste de Montréal, la Fédération anarchiste était invitée à présenter les activités du mouvement anarchiste français. Autre objectif visé, tisser des liens, créer un réseau d’entraide à travers l’Atlantique afin de faire circuler livres, brochures, journaux dans les deux sens.
Voici les fruits des rencontres, cueillis sur trois jours, entre débats, salon, travail en atelier et… soccer (match de foot). Ces présentations ont pour but de vous faire découvrir le dynamisme du mouvement libertaire canadien. Il est à la fois très diversifié et capable de se mobiliser sur un objectif commun : la guerre en Irak, le sommet du G8 ou le Salon du livre.
Collectif d’organisation du Salon
Il réunit des individus, des éditeurs, des librairies et des représentants d’organisation (une quinzaine de personnes permanentes).
« Pour cette année, nous avons été obligés de changer de lieu, car le précédent était devenu trop petit. En parallèle des tables d’éditeurs, de diffuseurs, de la librairie alternative (de Montréal) et des différents groupes présents (une soixantaine), nous organisons des débats et des ateliers qui ont permis de faire découvrir l’anarchisme et d’échanger nos points de vue sur les luttes actuelles : la guerre en Irak, les luttes sociales, les médias alternatifs (radio, web), le logement, le féminisme, la lutte contre les violences policières ou les transports gratuits.
» Cette année étaient attendues largement plus de mille personnes. Côté livres, étaient présents des éditeurs anglophones et francophones (surtout français). La Fédération anarchiste fut bien accueillie car le déficit de livres, de brochures anarchistes francophones est important au Canada. Cela coûte très cher de faire venir des livres de France ; et le “marché” intérieur est insuffisant pour toute autoproduction, tant pour les classiques que pour les ouvrages traitant de l’actualité.
» Cette fête se situe dans le cadre du Festival de l’anarchie, où chaque groupe peut créer son propre événement, valoriser ses activités. Le salon est festif et tranquille, c’est un lieu parfait pour prendre un premier contact avec les anarchistes. La tradition libertaire est moins grande au Québec qu’en France. En venant ici, les visiteurs s’aperçoivent que les anars sont des gens tout à fait normaux. »
Les « Sorcières »
Ce groupe se définit autour de trois axes : anti-patriarcat, anticapitaliste et anti-étatiste.
« Nous sommes presque toutes issues des milieux radicaux québécois. Nous avions le sentiment que le volet anti-patriarcat était le point qui était soulevé en dernier (et encore quand il restait du temps).
» Nous avons donc décidé de nous approprier un espace propre. Nos réunions (internes) sont non-mixtes, mais nous invitons les copains à nos actions. Notre première apparition a été l’occupation d’une église afin de dénoncer le rôle des religions dans l’oppression des femmes. Les “pro-vies” sont aussi une de nos cibles favorites (actions organisées avec le groupe féministe Némisys). Nous éditons un journal Les Sorcières. »
La Néfac
La Néfac (Fédération des communistes anarchistes du nord-est) regroupe des anglophones et des francophones du grand quart nord-est du continent.
« Nous intervenons prioritairement :
— Sur les lieux de travail, dans et hors des syndicats (le système syndical canadien et américain a ses particularités), nous mettons en place des pratiques de démocratie directe lors des luttes et d’entraide sociale entre usines en conflit.
— Dans notre commune (communauté en québécois), nous participons aux luttes sur le logement, contre la pauvreté, etc.
— Enfin, face au racisme et au fascisme pour contrer les relents nauséabonds nord-américains, nous menons des campagnes et des actions de soutien aux “sans-papiers” de notre pays. Nous nous situons dans une perspective de luttes de classes.
» Le mouvement contre la guerre en Irak a été très profond au Canada. Les manifestations ont été parmi les plus importantes depuis 1945. Nous avons été surpris par l’ampleur et la teneur de ces manifestations qui n’étaient pas uniquement “pacifistes”. Par exemple, notre campagne de boycott contre Esso a été très appréciée. Nous avons participé à une coalition ouverte comprenant des syndicats et des associations. Nos positions (de principes) et propositions (concrètes d’entraide avec les Irakiens) y ont été très écoutées. Nombre de personnes ont changé leur point de vue sur l’anarchisme social. »
Le Trouble (journal anarchiste)
Ce journal est né de la fusion de plusieurs fanzines qui ont décidé de publier un vrai journal anarchiste (francophone) pour sortir du « ghetto » militant et ainsi toucher plus de monde avec la même énergie.
« Nous avons une approche peu théorique, mais valorisant tout ce qui se passe sur Montréal et Québec. Le journal est vendu en kiosque depuis l’an 2000. Nous travaillons beaucoup avec la Néfac sur l’actualité sociale. À l’approche du 1er juillet, le sujet du logement va monter en puissance, nous rendrons compte de toutes les initiatives autour de cette date fatidique pour les locataires du Canada. »
Le Couac
Journal satirique qui pourrait être la synthèse du Canard enchaîné et de Charlie Hebdo. C’est un journal de contre-information critiquant les médias officiels ou aux mains des conglomérats capitalistes.
« Nous sommes entre vingt et trente collaborateurs réguliers (bénévoles). Nous sommes distribués dans les kiosques et nous avons 700 abonnés, ce qui est bien pour le Québec. Pas de financement d’État ou lié à la publicité. Ce qui représente un effort considérable pour tout le monde. Nous publions des dessins de Charlie et du Rire. Notre fonctionnement est très libertaire et collectif : l’essentiel du journal est rédigé par des membres du collectif, mais aussi par des contributions occasionnelles. »
Le Centre des médias alternatifs
Le Cemaq, c’est la partie « Québec » du réseau Indymédia.
« Nous sommes un site de publication ouvert à toutes et à tous, nous recevons des articles, de l’audio et de la vidéo. Nous organisons des événements, des actions ou des projets d’éducation populaire dont le but est d’acquérir une lecture “critique” du système d’information en général. Nous travaillons sur un portail de publication accessible aux citoyens afin qu’ils puissent publier directement une information. Notre gros projet actuel, c’est d’organiser une fédération des médias alternatifs : papier, web, radio, télévision, libertaires, communautaires, etc. En moins d’un an, nous sommes déjà une quinzaine. Cet été, nous montons une caravane qui parcourra l’ensemble du Québec afin de présenter une offre globale à toute la population, y compris dans les petites collectivités. Notre fonctionnement est autogestionnaire, nous travaillons par projet, et les grandes décisions sont prises au consensus en AG. Les derniers événements internationaux comme les guerres en Afghanistan et en Irak nous ont rendus très populaires. »
Opposé à la brutalité policière
Le COBP (Collectif opposé à la brutalité policière) travaille sur plusieurs niveaux.
« Notre collectif est né en 1995, suite à une contre-manifestation contre “Human life”. Un groupe de contre-manifestants a été arrêté (au hasard) par les policiers. Le collectif de soutien né de cette injustice s’est rendu compte qu’il y avait un besoin d’informations auprès des jeunes des quartiers pauvres. C’est par centaines que ce type d’arrestation s’opère dans les manifestations un peu radicales.
» Nous essayons d’informer la population sur ses droits face à la police, ou face aux délires antiterroristes, nous distribuons gratuitement des brochures, des tracts sur ces sujets. Deuxième axe fort : un soutien aux victimes des brutalités policières. Par exemple, nous les aidons à porter plainte de la façon la plus efficace, mais, recourir à la justice en Amérique du Nord nécessite des moyens financiers que nous n’avons pas. Nous travaillons avec des juristes avant de distribuer les informations. Nous avons aussi à lutter contre les médias “officiels” qui systématiquement reprennent la seule version des policiers, autrement dit, ce qui les intéresse c’est de montrer des manifestants en train de casser quelque chose. Depuis peu, nous développons une nouvelle activité : le “cop-watch”. Nous surveillons — ostensiblement — la police avec des caméras vidéo, au cours de manifestations ou de rassemblements. C’est à la fois une action préventive : ils hésitent à dépasser leurs droits, et cela peut devenir une preuve en cas de plainte. Cette année, nous avons aussi participé à la journée internationale contre la brutalité policière du 15 mars. »
Wally Rosell est militant du groupe Louise-Michel de la FA.