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Chômeurs en lutte

Partageons le travail et les richesses, pas la misère !

Le jeudi 8 janvier 1998.

La fin d’année est marquée par un mouvement assez rare : des chômeurs organisés se battent pour leurs intérêts. Avec des revendications extrêmement pragmatiques : 3 000 francs de prime de Noël ! Certes, certains font la fine bouche devant ce type de revendication intégrée et réformiste. Mais la plupart des salariés ne font pas autre chose quand ils luttent contre les licenciements ou pour une augmentation de salaire. Faut-il rappeler que tous les combats commencent par là : on n’aboutit pas à la révolution directement !

C’est dans la lutte que les gens prennent souvent conscience de leur existence, de leur intérêt et du groupe qu’ils représentent. Rien que pour cela, on ne sort pas d’une lutte comme avant. Toute l’histoire du mouvement ouvrier est là pour nous montrer que ce ne sont pas souvent les plus marginalisés qui luttent le plus mais ceux qui ont le meilleur statut pour lutter. De là vient la difficulté pour les chômeurs de s’organiser.

Pour tous ceux qui essaient de mobiliser et d’organiser les luttes de chômeurs, la pratique est intéressante, par son organisation prise en charge en grande partie par des chômeurs, par son mode d’action directe (occupation des ASSEDIC). Et puis, s’il y en a pour qui changer de société et lutter est important, ce sont bien les chômeurs.

La responsabilité de la CFDT

Les chômeurs n’ont cessé de s’en prendre plein la gueule depuis quatre ans. Depuis que la CFDT, avec l’aide du patronat, est arrivée à la tête de l’UNEDIC en 1993. En bonne gardienne du statu quo social, elle a réussi à faire en sorte de dégager en deux ans un excédent de 9 milliards de francs. Le prix à payer a été lourd pour les chômeurs : une accélération de la dégressivité des allocations ; à 17 % tous les quatre mois. On voit pourquoi les uns ont du mal à comprendre que l’étatisation rampante de la Sécurité sociale les dessaisit d’un pouvoir de représentation : ils en sont déjà dessaisis ! En plus, ces 9 milliards ont été partagés entre un allégement des charges des patrons et les politiques d’aides à l’emploi, qui sont des subventions aux patrons. Les chômeurs sont culpabilisés dans leur situation, tout en ayant financé des allocations qui leur sont supprimées pour que le patronat s’engraisse dessus avec l’aide de syndicats comme la CFDT ! On comprend pourquoi les chômeurs sont excédés ! Tous les mouvements qui se sont succédés ont géré l’accroissement du chômage.

On comprend aussi pourquoi la CFDT est absente du conflit. C’est pour cela qu’il dure ! Plus sérieusement, il est acquis pour tous les tenants du libéralisme, qu’ils soient ultras ou soft-sociaux de gauche, que le chômage doit être une épreuve pour ne pas le faire préférer au travail. Une allocation universelle de 5 000 FF par mois, c’est sûr que ça dérangerait !

Face à cela le gouvernement dégage une aide, mais spécifique à ceux d’entre les chômeurs qui souffrent le plus : 2 % d’augmentation des allocations spécifiques de solidarité pour les chômeurs ayant travaillé

40 ans et âgés de plus de 50 ans, de qui se moque-t-on ? Faut-il rappeler que l’assurance chômage est financée solidairement par tous les salariés, qui y ont donc droit sans que cela soit de l’aumône. Ce n’est pas la charité que nous voulons mais l’égalité. À l’heure où les gouvernements dépensent des fortunes pour payer les préretraites de chez Peugeot, il est indécent de voir ce type de propositions. De gauche ou de droite, nous voyons que le mépris est aussi dur à accepter !

Les limites d’AC !

Face à ces enjeux, les slogans d’Agir contre le chômage, qui reprend la campagne passée d’un gouvernement — les salaires sont les emplettes et les emplettes sont les emplois — sont certes quelque peu décalés. Les tenants de cette solution productiviste (travaillons, consommons, cela fera des emplois !) refusent de voir les conséquences de leur raisonnement. Car cela implique en effet de continuer comme avant dans ce monde absurde en créant encore plus d’emplois (pourquoi pas en supprimant les tâches automatisées pour les remplacer par des tâches manuelles). Pour nous, il s’agit de répartir autrement les richesses en fonction du travail de chacun et du droit de chacun à vivre décemment, en clair, supprimer les profits. C’est donc cela l’enjeu : tant que ce sont les patrons qui décideront de qui ils embauchent, pour faire ce qu’ils veulent, nous serons dans une société qui attribue pouvoir et privilèges à certains de ses membres.

Au bout du compte, tout en menant les luttes partielles nécessaires à impulser des dynamiques collectives, nous devons toujours rappeler que l’abolition du chômage n’est possible qu’en abolissant le capitalisme et l’État !

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