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Police à Bourges, police de bourges

Le jeudi 22 janvier 1998.

Le maire de Bourges s’est offert l’été dernier, à l’exemple de bon nombre d’autres villes, une police municipale : embauche de personnel, achat de véhicules flambants neufs, local en centre ville… La facture est lourde pour une opération d’un intérêt uniquement politique.

La seule fonction statutaire des polices municipales consiste à faire appliquer les arrêtés municipaux (les interdictions de stationnement par exemple). Par rapport à la police nationale, leurs attributions sont de fait très limitées : elles n’ont le droit ni d’effectuer des contrôles d’identité ni de réprimer la délinquance en tant que telle. Quand elles le font, elles se placent dans l’illégalité, ces entorses à la loi étant largement tolérées par les institutions judiciaires ou politiques. Ce qui n’étonnera personne, c’est la même maison. Ce décalage entre la théorie et la pratique explique la réaction épidermique qu’ont eu les flics municipaux lorsque Chevènement a parlé de supprimer leurs armes, réaction qui les a conduit à défiler, à Marseille notamment, en compagnies du Front national.

À Bourges, en tous cas, la police municipale a surtout été un axe privilégié de communication pour le maire et ses acolytes : le discours désormais classique de lutte contre l’insécurité qui s’appuie sur les peurs collectives. Annoncé à grand fracas dans la presse régionale, il s’agit bien d’un choix de gestion. Au moment même où la ville de Bourges effectue des coupes dans les subventions culturelles et sociales, elle investit en plein dans le démagogique et le sécuritaire à grand spectacle.

Criminaliser la misère

Or cette insécurité contre laquelle il serait si important de lutter, est-elle bien réelle ? Les médias, complices de l’État, quand ils mettent systématiquement en avant les faits divers les plus violents, tentent par tous les moyens de nous prouver que nous vivons dans un monde dangereux et peuplé de voleurs à la tire. La Saint-Sylvestre strasbourgeoise, présentée sur toutes les unes comme une succession d’événements irrationnels, sans explication, est à cet égard typique de la diffusion dans la population de ce sentiment d’insécurité. Sentiment cristallisé comme à l’accoutumée sur un bouc émissaire, de préférence pauvre et évidemment différent… La population prend ainsi l’habitude de vivre sous cette prétendue protection policière et accepte comme un moindre mal les contrôles au faciès, les humiliations et les trop nombreuses bavures. Bel exemple de manipulation : en premier lieu on crée le danger, on l’amplifie, puis on nous oblige à céder une partie de notre liberté pour y remédier.

Dans la mesure où la violence urbaine n’est créée que par la misère et l’injustice sociale qui touchent une partie toujours plus importante de la société, la politique sécuritaire et répressive, même du point de vue des gestionnaires de la société capitaliste, est complètement absurde parce qu’elle tente de soigner les effets sans s’occuper des causes. Le chômage toujours plus présent, le cantonnement des populations pauvres dans les quartiers-ghettos, le manque de perspectives d’avenir et de dignité pour les jeunes, le désœuvrement, expliquent largement cette violence. Or cette situation bien réelle que subit malgré elle la population est le résultat d’un système de violence institutionnelle exercée ensemble par le Capital et son bras armé, l’État, qui font simplement qu’il existe des classes sociales.

Dans ce cadre, la police n’a d’autre utilité que d’aider à maintenir les inégalités de tout ordre. Pour le reste, les politiciens se moquent bien de la violence et de la sécurité des citoyens : ce qui leur importe, c’est de garder le pouvoir par tous les moyens. Les gouvernants n’ont qu’une seule logique, l’électoralisme, et ne misent sur la répression que parce qu’elle est suffisamment démagogique pour rapporter des voix. Il paraît qu’une autre politique ferait le jeu du FN.

La violence urbaine telle qu’elle se manifeste dans les quartiers n’est pas une réponse viable à l’exploitation et à l’oppression. Ce n’est pas en s’attaquant de façon aveugle aux voitures de ses voisins qu’on résoudra quoi que ce soit. Pour ne pas être inutile, la lutte doit être exercée de façon réfléchie, dans des organisations, à grande échelle, contre le système dans son entier. Seul un changement radical de société pourra s’attaquer aux causes de la violence en supprimant les inégalités.

Groupe Georges-Brassens (Bourges)