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Livre CGT : quo vadis ?

Le jeudi 5 février 1998.

Une fois de plus le livre parisien a fait parler de lui. Une fois de plus, personne n’y a rien compris. Oserons-nous dire en renchérissant que ni Monatte ni Lecoin n’y retrouveraient leurs petits ? Qui lit régulièrement Le Monde libertaire se souviendra que nous avons déjà évoqué l’alliance étrange dans les syndicats du Livre parisien du Syndicat des correcteurs (ex-enfants terribles de la Fédération du Livre) et de la section des rotativistes (ex-champions de la majorité confédérale) [1]. Qu’à quelques années du troisième millénaire des anciens protagonistes en viennent à une même démarche syndicale peut interroger.

Certes le tissu social a changé et les technologies nouvelles ont tout dévasté. La convention collective du labeur règne sur des ruines, l’édition ne voudrait que des travailleurs indépendants et la presse quotidienne envoie les ouvriers du livre à la casse [2]. Bref, tout ce qui venait de l’époque du plomb, — conditions de travail, salaires — est à passer aux oubliettes et via la fée informatique, vive le travail à la carte et les qualifications multiples.

Dans ce panorama lugubre les ouvriers du Livre « traditionnel » n’ont pour seule alternative qu’à attendre la retraite ou aller à l’ANPE. Dans ce qui était le bastion syndical, la presse quotidienne parisienne, tout le monde s’était « endormi » à la fin du conflit du « Parisien libéré » [3]. On avait vaincu le patronat et le plomb a fait place à la photocomposition, qui elle-même s’est inclinée devant la PAO. Cette dernière, aux dernières nouvelles, serait même balayée par le QPS (Quick processing system) qui mieux encore que les travailleurs du livre peut éliminer les secrétaires de rédaction…

Dans ce difficile combat entre tradition et monde high-tech, que viennent faire les références à la Fédération nationale des syndicats (guesdiste et centralisatrice) et à la Fédération des Bourses du travail (fédéraliste et antiautoritaire) ?

Chacun aura pu lire dans Le Monde daté du 16 janvier le « pavé publicitaire » signé par les secrétaires rotativistes, correcteur, et Paris diffusion presse (NMPP). Dénonçant bureaucratie, pensée unique syndicale, défendant les syndicats de métier, déballant sur la place publique des conflits syndicaux, ce texte aura fait couler beaucoup d’encre [4]

Certes, le fond du problème est que le Syndicat général du Livre s’est transformé à son dernier congrès en Syndicat général du livre et de la communication écrite (SGL-CE). C’est-à-dire que tout le monde est invité à y prendre docilement place.

Les correcteurs ont toujours été opposés à un syndicat unique. La Chambre typographique parisienne (CSTP) répond un « oui, mais » et, chose nouvelle, les rotativistes et une partie des NMPP ne veulent plus rester au SGL…

Il est trop tôt pour savoir si la direction syndicale de Montreuil va trancher. Le Syndicat des correcteurs pourra-t-il continuer son chemin dans la CGT en restant lui-même, les rotativistes croiront-ils toujours aux syndicats de métier et aux Bourses du Travail ? Le printemps nous le dira peut-être…

Sitting Bull


[1Et « exterminateurs » des anarchosyndicalistes dans les années 50…

[2Le labeur parisien comptait des entreprises comme Chaix ou Lang qui employaient des milliers d’ouvriers. Les correcteurs de la presse périodique voient l’avenir autrement mais les syndicats du Livre ne sont pas signataires des conventions collectives.

[3Vers la fin des années 70, le directeur du Parisien libéré, Amaury, a voulu retirer la confection de son quotidien aux ouvriers du Livre CGT. D’où grève longue et dure, puis victoire… temporaire.

[4Les autres syndicats du livre ont dénoncé une « scission », une « activité anti-CGT », tout en soulignant la duplicité du patronat. Chez les correcteurs, certains, tout en étant d’accord sur l’ensemble du texte (quoique les accusations de bureaucratie valent aussi pour les signataires), s’interrogent sur la façon de procéder et la durée des alliances.